Le 14 décembre 2022, les pizzerias sont remplies, et dans des stades Qataris climatisés construits sur le sang de milliers de travailleurs détachés, l’équipe de France est en demi-finale face au Maroc.
Pendant ce temps-là, un autre match est en train de se jouer à l’Assemblée Nationale. Ses conséquences sont toutes autres : est-ce que 500 000 hectares de terres agricoles vont être recouvertes de panneaux photovoltaïques tel que revendiqué dans Le Monde le jour même, par l’inventeur du concept « agrivoltaïque » Christian Dupraz ?
Cet ex élu régional EELV est le compagnon de route de Sun’ Agri, le principal acteur du lobby France Agrivoltaïsme, ce que Le Monde s’est bien gardé de préciser. Ce jour-là, les macronistes se retrouvent en difficulté face à la France Insoumise, qui s’affiche ouvertement contre en reprenant la position de la Confédération Paysanne. Ainsi, juste avant le coup d’envoi attendu dans bien des cafés, un coup de théâtre a bien failli se jouer dans l’hémicycle.
Le député aveyronnais LFI Laurent Alexandre défend l’amendement « Aurélie Trouvé » qui vise à supprimer, de la loi dite d’accélération des énergies renouvelables, tout l’article concernant l’ agrivoltaïsme.
Selon lui « le développement de l’agrivoltaïsme tel que vous le promouvez ne nous paraît pas pertinent : les besoins n’ont pas fait l’objet d’une évaluation approfondie, aucune étude d’impact adéquate n’a été réalisée ».
Aurélie Trouvé enchaîne : « j’entends ici et là que cette activité produirait de l’ombre pour les moutons ou qu’elle permettrait de compléter les revenus agricoles. Mais disons-le clairement, chers collègues, la meilleure manière d’augmenter les revenus des agriculteurs, c’est de leur garantir des prix rémunérateurs, et non de les transformer en producteurs d’électricité ! ». L’ancienne porte-parole d’ ATTAC précise qu’ « un nombre croissant de projets ne considèrent la production agricole que comme un alibi. Cela vaut aussi bien pour les serres que pour les pâturages – où ne paissent que de rares moutons – couverts par des panneaux photovoltaïques. La raison en est simple : malheureusement, sur une terre cultivable, la production photovoltaïque est largement plus rentable que la production agricole, tant les prix des produits agricoles sont bas ». Pis l’ ingénieure agronome et docteur en économie questionne tous les tartuffes qui pérorent sur l’aide face au changement climatique et l’amélioration du potentiel agronomique qu’apporteraient des hectares de panneaux métalliques placés au dessus des paysan.nes « peut-être aurions-nous besoin de petites leçons d’agroécologie : comment un panneau solaire permettra-t-il de nourrir l’humus du sol ? Comment permettra-t-il d’héberger la faune sauvage ? Comment contribuera-t-il à produire de la nourriture et de la litière pour le bétail ?»
Mais pour Eric Bothorel, le rapporteur Macroniste de la loi, l’important est de défendre mordicus les agro-industriels : « l’adoption de l’amendement que vous venez de présenter reviendrait à interdire l’installation de panneaux photovoltaïques sur toutes les terres agricoles et dans toutes les exploitations, indépendamment de leur forme ».
Le socialiste Potier ressentant le danger de l’amendement lâche un « c’est vrai ! ». C’est alors au tour de la ministre Pannier-Runacher de se servir de la position des Jeunes Agriculteurs qui, le 22 septembre 2022 demandaient un moratoire contre l’ agrivoltaïsme et affirmaient « durcir le ton et s’opposer à la poursuite de tous projets agrivoltaïques », mais ont tout de même ajouté subtilement « tant que les conditions demandées ne seront pas garanties par l’État ».
Et justement, l’État, il sait murmurer à l’oreille des Jeunes Agriculteurs : « j’ai moi-même rencontré le président des Jeunes Agriculteurs [et il préfère] cette loi au statu quo. Vous pouvez retrouver ses propos, en l’occurrence son tweet, sur le sujet – c’est public. Les agriculteurs veulent de l’agrivoltaïsme » se réjouit malicieusement la ministre.
Peu avant le début du match au Qatar, l’amendement de suppression de la LFI est mis au vote, mais rejeté à 2 voix près.
L’écologiste Delphine Batho, qui pourtant en commission reprenait mot pour mot l’argumentaire de la Conf, et ses collègues Charles Fournier, Régol et Peytavie, s’abstiennent, tout comme le communiste Pierre Dharréville, et les socialistes Dominique Potier, Guej, Naillet, Hajjar, Tomin et Echaniz.
Cette défaite, qui s’est jouée à très peu, amène la Conf à regretter « amèrement que les députés n’aient pas osé prendre les décisions qui s’imposent »1.
Le syndicat pointe qu’en plus de légitimer le terme marketing « agrivoltaïque », l’Assemblée nationale autorise les autres « projets photovoltaïques sur les terres incultes ». Un concept abscons que l’on doit au socialiste Potier qui reprend la vulgate des industriels.
Les organisations agricoles et environnementales vont-elles se retrouver engluées à débattre de l’argutie « agrivoltaïque », et de pratiques attentatoires à l’agriculture paysanne, en des termes définis par les lobbys du secteur ?
Insolation à l’Assemblée Nationale
C’est la danse des canards
Qui en sortant de la mare
Se secouent le bas des reins
Et font coin-coin
J.J Lionel, La danse des canards.
https://www.youtube.com/watch?v=B_VJe5iHrJw
Dans ce débat du 14 décembre qui a débouché sur le vote de l’article agrivolté, beaucoup de parlementaires se réclamèrent de l’ ADEME. Ainsi Jean-Luc Fugit de Renaissance explique que « l’agrivoltaïsme, qu’il faut distinguer du photovoltaïque au sol, a fait l’objet de nombreuses expérimentations et de plusieurs travaux de suivi. Je signale ainsi les travaux de l’Agence de la transition écologique ». Au Modem – telle l’Ademe, on accepte que le métier de paysan soit celui de producteur d’énergie. Mickaël Cosson considère ainsi « que le texte actuel va dans le bon sens en précisant que l’agrivoltaïsme vient uniquement en complément de l’activité agricole. Pour sécuriser ce dispositif et parce que ces procédés constituent un moyen de diversifier nos sources d’énergie et d’offrir un complément de revenu à nos agriculteurs »
En cette émulation qui précède la demi-finale, le Monsieur Loyal de ce cirque agrivoltée, Eric Bothorel, rapporteur macroniste de la loi d’accélération des énergies renouvelables, propose d’emblée « une définition plus que resserrée de l’agrivoltaïsme ».
Tellement serrée qu’il invente sa propre définition de l’agrivoltaïsme :« vous entendez également interdire les traqueurs solaires, dont l’impact sur les terres agricoles est pourtant très faible et qui ne sauraient être confondus avec l’agrivoltaïsme ni avec l’installation de panneaux photovoltaïques au sol ». Il a du mal écouter les leçon du lobby France Agrivoltaïme et de son dirigeant Nogier qui revendique des « trackers et des panneaux mobiles » et « un pilotage intelligent », car « Sun’ Agri c’est un fournisseur de technologie d’intelligence artificielle qui consiste à piloter une structure pour maximiser le bien-être de la plante. Notre métier c’est celui-là, on est une boîte de technologie ». Un Nogier qui promeut une agriculture où chaque hectare coûte 800 000 euros de matériel. Des centrales industrielles avec un « algorithme qui gère à distance depuis le siège lyonnais de l’entreprise [et qui] maîtrise parfaitement le comportement de la plante ».
Bothorel présente alors la soirée qui s’annonce et tel un jongleur débutant, reprend bon an mal an les critères abscons de l’ADEME : « tel que nous l’avons défini, l’agrivoltaïsme implique des services rendus et obéit à des critères, inspirés par l’Agence de la transition écologique (…) l’installation doit être réversible ; les panneaux doivent être installés plutôt en hauteur et être démontables ». Pis vl’à ti pas que « les animaux doivent pouvoir passer dessous, par exemple, même si, Mme la ministre l’a dit, ces règles valent également pour d’autres cultures, notamment la vigne ».
Bothorel tente une pointe d’humour et annonce fièrement que « nous nous opposerons aussi à [l’ installation de panneaux] au sol sur les terres agricoles – c’est, je crois, une position consensuelle, issue d’un travail transpartisan ». Et le voilà affirmer : « Soyons très clairs à ce sujet ! Si, si, j’insiste. Je le redis, il n’y aura pas panneaux photovoltaïques au sol sur les terres agricoles. C’est aussi simple que cela ». En train de tituber très clairement, il ajoute que « nous ne voulons pas introduire de confusion dans la doctrine que nous allons nous efforcer d’écrire, et même de coécrire, ce soir, doctrine qui consiste, encore une fois, à renforcer l’agrivoltaïsme, auquel vous êtes très attachée, sans permettre pour autant l’installation de panneaux photovoltaïques au sol sur les terres agricoles (…) cela me paraît tout à fait clair, mais je me suis peut-être mal exprimé ».
Il reprend son souffle et enchaîne : « donc je vais expliquer à nouveau le principe du dispositif. Développer l’agrivoltaïsme sur des terres agricoles sera possible ; développer du photovoltaïque au sol sur des terres agricoles ne sera en revanche pas possible [car] non seulement la photosynthèse ne peut pas se faire derrière un tel panneau, ce qui ruine la terre, mais les panneaux affectent aussi le ruissellement, ravinent les terres et en dégradent la qualité. Incontestablement, ce schéma n’est donc pas bon ». C’est tellement simple et clair que la loi écrite et défendue par Bothorel prévoit exactement l’inverse. Ainsi, la seconde catégorie de projet correspond à des panneaux sur des terres agricoles arbitrairement appelées « incultes »… mais aussi sur des zones naturelles et forestières.
Fait’s comme les petits canards
Et pour que tout l’monde se marre
Remuez le popotin
En f’sant coin-coin
Et alors que Bothorel, le Walden de l’Assemblée nationale, a aussi pour noble « préoccupation de ne pas se priver d’implanter des projets dans des espaces forestiers présentant, en raison de leurs caractéristiques, un faible intérêt écologique », il se questionne quant à « plusieurs types d’espaces forestiers [car] si un bosquet a poussé sur une terre en jachère et que le projet n’atteint pas 25 hectares, peut-on considérer que l’on n’y installera pas de panneaux photovoltaïques ? Il peut y avoir des terrains intéressants sur des surfaces bien inférieures à 25 hectares, et il ne serait pas pertinent d’y limiter l’installation de panneaux photovoltaïques ».
Après avoir défriché des « bosquets de 25 hectares », son bagout est intact et il ose affirmer qu’il « est temps de mettre fin à la pratique consistant à déforester pour installer des panneaux photovoltaïques au sol – finito , comme dirait l’autre ! Nous devrons être fermes sur ce point – je le serai ».
« La population soutient, en général, l’agrivoltaïsme »
Arthur Delaporte, député socialiste, le 14 décembre 2022 à l’assemblée nationale.
Dans ces débats absurdes, Bothorel fait entrer sur la piste un socialiste, et le salue le chapeau bas : « je serai d’ailleurs favorable, un peu plus loin, aux amendements de notre collègue Potier – j’allais dire « camarade Potier », mais le temps où j’étais élu socialiste est désormais loin ! ».
Arrive donc le député socialiste de Meurthe et Moselle qui défriche avec fougue la terra incognita agrivoltée : « certaines terres classées forestières sont d’une telle pauvreté et d’une telle médiocrité qu’un arbitrage pourrait justifier qu’on y installe un parc photovoltaïque. Pour ma part, je n’y suis pas opposé. Cela nous permettrait d’identifier les terrains si médiocres que les calories du soleil y seraient plus pertinentes sur des panneaux que sur des arbustes dont la hauteur ne dépassera jamais un mètre. La question mérite d’être posée ». Dans l’attention sensible qu’il porte à ce qui nous entoure il propose « une pause de cinq minutes pour rédiger un amendement » car « dans cet esprit de compromis nous pourrions au besoin faire appel à l’expertise technique de l’ONF, des CRPF ou de l’Ademe, c’est-à-dire des instances scientifiques démocratiques à même d’arbitrer les situations en fonction des besoins de la PPE ».
Le but de Potier, qui façonne les terres incultes et cuit au feu de bois des céramiques photovoltaïques, est « de déterminer quelles surfaces de forêts et de sols agricoles, non exploitées et quasi incultes, rendraient un meilleur service à notre société et à la planète en servant de lieu d’implantation pour des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes ».
Frédéric Zgainski député Modem de Gironde surenchérit : « je m’interroge sur l’opportunité d’interdire des installations qui étaient possibles il y a encore quelques années (…) la centrale de 250 hectares pour 300 mégawatts installée sur ma commune de Cestas en Gironde, une exploitation compensée au double en forêt durable, et qui rapporte à la communauté de communes de Jalle-Eau Bourde 1 million d’euros par an. Nous parlons ici de forêts de production de pins maritimes d’une durée de vie de trente à quarante ans. La biodiversité, si importante, est peu présente dans ces forêts et l’artificialisation des sols utilisés pour les parcs solaires est réduite au minimum ».
Ce qui amène Delphine Batho- qui aurait pu éviter cette discussion en évitant de s’abstenir lors du vote de l’amendement de suppression, à tenter de remettre quelques pendules à l’heure : « je souhaite rappeler que toute forêt est un puits de carbone et qu’il n’existe pas de forêt médiocre. C’est une notion dangereuse, car elle pourrait conduire à considérer, d’un point de vue productiviste, qu’une forêt en monoculture qui ne donne plus entière satisfaction en termes de rendement, ou une forêt en train de mourir des conséquences du changement climatique, est devenue médiocre, ce qui justifierait de la remplacer par des panneaux solaires ».
Mais revenons vers le socialiste agrivolté qui le 11 mars 2022 dans La France Agricole, défendait déjà l’installation de panneaux sur des terres agricoles. S’il n’osait pas encore en déclarer certaines « incultes » et les nommait seulement « moins fertiles », ce fin agronome se fit écologue et proposa même « un arbitrage sur les enjeux de biodiversité » et posa l’alternative suivante : « protéger la biodiversité locale dans son état actuel, ou y renoncer pour partie, afin de réussir la protection de la biodiversité globale en luttant contre les effets du dérèglement climatique ». Son choix pencha vers la seconde option. Alors qu’il propose de séparer « dans l’agrivoltaïsme le bon grain de l’ivraie » il explique que « cette régulation est la seule qui permettra l’expression du meilleur de l’esprit d’entreprise ». La macronie avait du souci à se faire avec l’ex-camarade de Bothorel.
Ainsi, quelques mois plus tard à l’Assemblée, il affirme que « la position du groupe Socialistes et apparentés est claire : il faut contrôler l’agrivoltaïsme et contrôler le photovoltaïque en excluant les terres agricoles des terrains envisagés pour les installations, mais en allant chercher, dans la définition juridique des terres agricoles, des terres qui de facto ne le sont plus ». Comprenne qui pourra.
Il précise ensuite qu’il est « incapable de dire si 5 000, 10 000 ou 20 000 hectares sont dans cette situation » ce qui ne l’empêche pas de confier que « pour notre part, nous ne trouvons pas idiot d’utiliser des terres qui ne sont pas cultivées depuis longtemps, et qui sont donc incultes, pour installer des panneaux photovoltaïques, à condition d’éviter tout dévoiement dans la mobilisation de ces terrains. Nous défendons donc un système dans lequel les chambres procèdent à un inventaire, où l’État certifie que les terres sont incultes ». Tout comme il devrait le certifier pour les députés.
Cette rhétorique de terres agricoles sacrifiables car « moins bonnes », qui est un argumentaire des industriels, trouve preneur chez Bertrand Pancher qui préside le groupe LIOT à l’Assemblée :« tant que le dispositif est bien encadré, il n’y a pas de raison pour qu’on cesse de développer du photovoltaïque sur des terres dont la productivité est très faible ».
Tournez, c’est la fête
Bras dessus-dessous
Comme des girouettes
C’est super chouette
C’est extra-fou
Timidement, le député EELV Charles Fournier, par ailleurs favorable à l’agrivoltaïsme, essaye de défendre la biodiversité, mais tout en légitimant la vulgate « des terres incultes ». « Certes, cela coûte moins cher et l’installation est plus rapide, mais cela contribue à artificialiser davantage de terres agricoles et de terres de biodiversité – car les terres dites incultes favorisent également la biodiversité » tente t’ il absurdement.
Quant à Potier, il refuse que la société civile puisse avoir un vote concret sur « ces terres incultes » au sein des CDPENAF, qui sont les seules commissions en France qui servent encore à quelque chose puisque une présence équivaut à une voix. Le socialiste déclare ainsi que l’on « ne peut pas non plus s’adresser aux organisations professionnelles concernées, sinon d’autres demanderont à émettre un avis, comme les chasseurs ou les environnementalistes, et on n’en sortira pas ».
En effet « les environnementalistes » doivent adorer la notion de « terres incultes ». Celui qui dans La France Agricole de mars 2022 déclarait subtilement que « certains blocages, de type “pas dans mon jardin” doivent être surmontés au nom de l’intérêt général », précise en décembre sa pensée : « c’est l’occasion pour moi de redire ce qu’était le projet initial du groupe Socialistes et apparentés : favoriser, à travers les déclarations d’utilité publique (DUP), les possibilités non seulement de préemption mais aussi d’expropriation de tous les terrains d’assiette d’énergies renouvelables afin de garantir aux collectivités locales des capacités pour monter des projets grâce à un meilleur contrôle du foncier ».
Pourtant, en un moment de lucidité, il reconnaît n’avoir pas assez d’éléments pour voter la loi en toute connaissance : « nous sommes dans une sorte d’impasse, faute d’une métrique qui serait celle de la PPE et d’un inventaire exhaustif des surfaces anthropisées mobilisables en vue de la production d’énergies renouvelables ». En ce sens il avoue qu’il leur « manque une doctrine, un savoir scientifique, un instrument de mesure, une métrique des surfaces, afin de fixer les limites d’après lesquelles arbitrer entre les atteintes causées à de microbiodiversités par la production d’énergies renouvelables et les conséquences cataclysmiques du dérèglement climatique sur la biodiversité tout court ».
Cela ne l’empêche pas de défendre cette pratique et de remettre à plus tard sa réflexion : « je ne désespère pas que l’examen du futur texte consacré à la PPE accroisse nos connaissances et par conséquent cette capacité d’arbitrage ». Ce qui lui vaudra cet aveu mi-amusée mi-cynique de son camarade Bothorel : « cela illustre l’urgence dans laquelle nous travaillons, et explique que certains prennent des décisions qui ne sont pas nécessairement éclairées. Je ne jette la pierre à personne. Nous devons réfléchir à la façon dont nous construisons la loi ». En effet.
On s’amuse comme des petits fous
Maintenant pliez les genoux
Tournez, c’est la fête
Bras dessus-dessous
Comme des girouettes
C’est super chouette
C’est extra-fou
Dans la même veine de procrastination il questionne les « effets [de l’agrivoltaïsme] sur les politiques d’installation ainsi que sur la maîtrise et la régulation du foncier ? » et affirme que « l’enjeu dépasse les 0,2 %, 0,3 % voire 1 % du foncier possiblement concerné [et que] l’agrivoltaïsme aura un effet systémique sur la dérégulation de l’ensemble des marchés et du foncier agricoles ».
Suite à quoi il précise que « les questions d’emphytéose, de baux, de maîtrise du foncier à long terme ne sont réglées ni pas le projet de loi, ni par les amendements adoptés, ni par les définitions de l’Ademe ». En conséquence de quoi il propose, que les députés prennent « le temps d’y réfléchir à partir d’une mission d’un ministère ou d’un autre qui associerait les parlementaires ». Sans gêne, il suggère que « les conclusions [puissent] être reprises dans le futur projet de loi d’orientation et d’avenir agricole».
Et dans la soirée, et alors que la député insoumise Aurélie Trouvé rappelle que globalement « la logique serait donc de donner la priorité à ces surfaces artificialisées plutôt que de grignoter les terres agricoles, les sols d’élevage et de culture » le secrétaire de l’Assemblée nationale note « Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Dominique Potier applaudit également ». Doit-on rire « des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes » ?
Et Potier de conclure sa partition : « Nous essayons tous de mettre de l’ordre sous les panneaux photovoltaïques. Merci les écologistes ! Nous sommes fiers de vous ». « Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES » note le secrétaire de hémicycle.
De l’agrivoltaïsme… qui ne soit pas au sol
C’est dans un style tragique que Charles Fournier, député EELV commence par dénoncer « des projets d’agrivoltaïsme qui n’en ont que le nom – un nom d’ailleurs inventé –, avec des surfaces très importantes couvertes de panneaux solaires et quelques moutons au milieu pour justifier qu’il s’agit bien de cette nouvelle activité ».
Puis, roulement de tambours, il déclare haut et fort que « nous l’affirmons depuis le début, l’agrivoltaïsme doit se développer d’abord sur les sols déjà artificialisés. Notre position est claire : nous voulons un agrivoltaïsme mieux encadré – nous défendrons des amendements visant à renforcer sa définition dans le texte – et qui ne soit pas au sol ». Sous terre donc, dans l’espace peut être ?
Suite à quoi il reprend mot pour mot les concepts forgés par l’ADEME et Sun’Agri : « le groupe Écologiste-NUPES souhaitait voir conforter la définition de l’agrivoltaïsme pour restreindre les risques que j’ai évoqués. Celle que nous proposons est le fruit d’échanges avec les acteurs agricoles et s’avère très proche de celle de l’Ademe.
Je ne doute donc pas qu’elle puisse recevoir votre assentiment, monsieur le rapporteur, madame la ministre ». En effet elle peut sans risque recevoir cet assentiment, c’est bien senti de sa part. Il essaye ensuite de paraître plus restrictif « [cette définition] vise à instaurer des critères stricts permettant de protéger la vocation agricole des terres où sont installées des structures agrivoltaïques, critères qui sont cumulatifs et non alternatifs comme dans le projet de loi ».
Ainsi selon EELV « l’activité agricole doit relever d’une exploitation professionnelle et les revenus d’exploitation ne peuvent être affectés à la baisse par l’installation des systèmes agrivoltaïques ; le principe de réversibilité des installations signifie que celles-ci doivent pouvoir être démontées »-ce qui est une tautologie bien trouvée de sa part. Il enchaîne en reprenant la vulgate agrivoltée en précisant que les centrales « ne contribuent pas à artificialiser les sols ».
Et tout comme l’ADEME et la LPO, il explique que « lesdites installations ne doivent ni conduire à empêcher le changement de culture sur la même parcelle ni affecter durablement les fonctions écologiques du sol » et qu’ « enfin, ces installations doivent rendre des services environnementaux ou agronomiques à la surface agricole, en contribuant notamment à l’adaptation au changement climatique, à la protection contre les aléas naturels, au maintien ou à l’amélioration de la biodiversité, ou encore à la limitation des stress abiotiques ». Une leçon « adémique » rudement bien récitée.
Et peut être est-ce parce que les députés avaient du mal à saisir la profondeur des discussions qui s’installaient, que le député du Rassemblement national qui préside la séance intervint à 19h50: « Afin de donner à chacun le temps d’enfiler son maillot, je lève dès maintenant la séance. Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures : suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. La séance est levée. Allez les Bleus ! ». Et à 22h, il rouvre les débats : « j’adresse les félicitations de notre assemblée à l’équipe de France – en particulier à Théo et à Randal, nos deux buteurs – pour sa belle victoire, qui place, à n’en pas douter, notre séance sous les meilleurs auspices. (Applaudissements.) ».
Mission flash agrivoltée
Arrive alors dans le débat Sandrine Le Feur, députée macroniste et agricultrice bio de Bretagne. Elle fut l’autrice quelques mois plus tôt, le 23 février 2023, d’une Mission Flash sur l’agrivoltaïsme. D’ailleurs, parmi la soixantaine de personnes qu’ils ont auditionnée, une seule de façon certaine était contre l’ agrivoltaïsme. Quasi tous les autres sont les industriels eux-mêmes…1
Et si avec son collègue Les Républicains Sermier ils ont « conscience du fait que le développement de centrales photovoltaïques en plein champ constitue une solution aisée pour les installateurs, notamment parce qu’elle ne leur fait pas supporter le coût de dépollution des terrains dégradés utilisés habituellement », cela ne les empêche nullement de se hasarder à donner leur propre définition « significative et précise » de l’ agrivoltaïsme qui n’est ni tout à fait celle de l’ADEME, ni celle de la CRE : « nous définissons l’agrivoltaïsme comme la coexistence sur une même emprise foncière d’une production électrique significative et d’une production agricole elle aussi significative. Les termes que nous avons choisis l’ont été avec précision ».
Et en effet, c’est un florilège de précisions absurdes qui s’en suit : « l’installation de panneaux produisant peu d’énergie ne doit pas permettre de qualifier un projet d’agrivoltaïque ». Bin pourtant ce brave Antoine Nogier ne cesse de répéter qu’avec « l’agrivoltaïsme dynamique », la production d’électricité est fortement diminuée, car d’abord ce sont les besoins des plantes qui priment… Mais si la centrale ne doit pas produire « peu d’énergie », elle ne doit pas non plus être trop importante afin de ne « pas prendre le dessus sur la production agricole ou alors elle ne serait alors qu’un simple alibi ».
Du taoïsme agrivolté. Les parlementaires Flash continuent leur Tétris conceptuel : « la coactivité, agricole et électrique, sur une même parcelle, sans juxtaposition, ne peut être appelée agrivoltaïsme ». C’est plus pragmatiquement que les auteurs de cette Mission parlementaire expliquent que « l’agrivoltaïsme peut également permettre aux agriculteurs de disposer d’un complément de revenus. Celui-ci leur permet de sécuriser leur modèle économique ». Et c’est en dignes élèves de la prestidigitatrice de l’ADEME que la perle agrivoltée leur revient lorsqu’ils déclarent que « l’agrivoltaïsme peut contribuer à aider les agriculteurs à diversifier leur production, à modifier les rotations culturales. Cela peut leur permettre de réduire leurs besoins en produits phytosanitaires et de ce fait, avoir un effet positif sur la biodiversité »2
Revenons à l’Assemblée quelques mois plus tard. Sandrine Lefeur, lève le cynisme ambiant sur les services rendus à l’agriculture par les panneaux. Elle affirme clairement défendre que les paysan.nes deviennent des producteurs d’énergie électrique afin « de redorer le blason d’une profession trop peu attractive et en difficulté ». La députée, tente alors d’appeler un chat un chat : « ne dépeignons pas en premier lieu les panneaux solaires comme des solutions d’adaptation climatique des cultures agricoles ou de protection agronomique car il ne s’agit pas d’investir dans une protection de haute technologie des cultures agricoles. Ce serait absurde car bien d’autres techniques moins coûteuses existent pour remplir cette mission.
Il s’agit d’assurer l’essor de la production d’énergies décarbonées au moindre coût tout en garantissant le maintien de la production agricole. Voilà le défi ! ». Son amendement, trop explicite pour ses collègues apprentis prestidigitateurs, est rejeté.
Chez les communistes qui se sont abstenus et ont permis cette discussion, l’acceptation des critères définis par l’ADEME va de soi. Pourtant Emeline K/Bidi dénonce justement « l’argument de l’amélioration du bien-être animal [qui] peut être facilement détourné pour développer l’agrivoltaïsme dans des surfaces pastorales [car] on pourrait par exemple arguer que les panneaux photovoltaïques sont bons pour les troupeaux parce qu’ils leur apportent de l’ombre, alors qu’il suffirait de planter des arbres, ce qui serait bien plus efficace pour stocker du carbone et préserver les paysages comme la biodiversité ».
Et toc ! Mais si elle critique la rédaction en cours qui considère « comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services déclinés par le présent article » c’est pour mieux affirmer que ce « n’est pas suffisant ! Nous proposons donc d’exiger le bénéfice d’au moins deux services rendus à la production agricole par l’installation photovoltaïque ».
Florilège parlementaire
Alors que l’amendement de suppression a été rejeté, les groupes d’opposition tente de grappiller des miettes et parfois de bloquer -l’air de rien- les projets.
M. le président
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir l’amendement no 2482.
Mme Aurélie Trouvé
Comme tous ces alinéas n’ont pas été supprimés, profitons-en pour tenter d’avancer. Nous proposons d’interdire les installations de production photovoltaïque dans les zones agricoles si lesdites installations ne présentent pas les caractéristiques de l’agrivoltaïsme tel que défini l’article 11 decies . Si cet amendement est adopté, l’article 11 decies constituera une avancée considérable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Bothorel, rapporteur
Madame Trouvé, j’ai parfois l’impression qu’il y a de la colère en vous. Et pourtant, je pense qu’il y a encore du bon en vous, comme dirait Luke Skywalker. (Exclamations et rires sur divers bancs.) La force des Insoumis.
M. Charles Fournier
C’est sa passion de l’engagement !
M. Matthias Tavel
Il y a des colères saines ! (Sourires.)
M. Arthur Delaporte
M. Éric Bothorel, rapporteur
Elle a joué dans Star Wars , Ségolène Royal ?
M. Arthur Delaporte
M. Éric Bothorel, rapporteur
Pour en revenir à l’amendement, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la question de l’interdiction stricte du photovoltaïque compatible avec l’activité agricole. Je souhaite vraiment que la profession s’organise sous l’égide du préfet, et identifie au cas par cas les parcelles sur lesquelles cette compatibilité est envisageable et celles où elle ne l’est pas. Faisons confiance aux professionnels – nous aurons l’occasion d’y revenir un peu plus tard.
Vous voulez par ailleurs supprimer l’alinéa 30 qui concerne les ombrières, les serres et les hangars, et vise à éviter les projets alibis. Il me semble donc plutôt utile de le garder, de même que les alinéas 46 et 47 qui simplifient les démarches pour les travaux nécessaires à la mise en œuvre de l’obligation d’enlèvement et de remise en état du terrain, afin de faciliter des opérations. Cela fait partie des éléments qui participent à la réversibilité des installations. Quittez le côté obscur de la force ! Avis défavorable.
Mme Aurélie Trouvé
Monsieur le rapporteur, il y a des colères saines – et même des colères nécessaires, n’est-ce pas ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE. – Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
« Faites confiance aux professionnels », dites-vous. Pour notre part, nous faisons confiance à la loi, d’autant que nous sommes tout de même là pour l’écrire. Nous préférons inscrire dans la loi que le photovoltaïque doit être interdit en zones agricoles et que l’agrivoltaïsme doit faire l’objet d’une forte régulation. Cela nous semble de bon sens.
Pour conclure, je vais citer l’Ademe qui explique qu’il faut équiper en priorité les toitures, les parkings et les friches pour « éviter d’occuper les sols agricoles et de nuire à l’image de cette énergie renouvelable ». C’est le sens de notre amendement. (Mme Clémence Guetté applaudit.)
1https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/462102/4509348/version/1/file/COMMUNICATION_MI_flash_agrivoltaisme.pdf
2 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/Mission-flash-agrivoltaisme_AN_communication_230222.pdf
