Mobilisations contre les centrales photovoltaïques et agrivoltaïques, juin 2023

 

Extrait du dossier « Dans la gadoue agrivoltée »

 

 

« En vertu du principe de réalité – comme disait Lacan, le réel, c’est quand on se cogne »

Eric Bothorel, rapporteur agrivoltée, le 14 décembre 2022 à l’Assemblée nationale

 

Des mobilisations qui « cognent »

 

 

Partout en France des collectifs luttent contre des projets. Mais alors que Greenpeace et France Nature Environnement national ont promut des projets photovoltaïques sur des terres agricoles 1et appellent timidement à privilégier les surfaces artificialisées mais sans récuser les projets sur les autres terres; depuis septembre 2022 la Conf est la seule orga nationale à avoir pris une position contre « l’agrivoltaïsme »2

Si la question des serres agrivoltées reste en suspens bien qu’elles « sont souvent des projets alibi ou mal conçus qui deviennent de simples structures pour les panneaux n’accueillant aucune production agricole, comme à Bourgneuf dans le Maine-et-Loire » et qu’elles sont souvent réalisées « pour des raisons strictement économiques [et] doivent encore faire la preuve de leur intérêt agronomique et sont très difficiles à reconvertir. C’est pourquoi nous sommes dubitatifs face à de tels projets, et que nous avons besoin de temps pour construire une position ».

Pour tous les autres projets sur les terres agricoles naturelles ou forestières « la Confédération paysanne récuse la notion d’agrivoltaïsme et exige l’interdiction des centrales photovoltaïques sur toutes les terres agricoles, naturelles et forestières ». Car cette lubie industrielle « relève du marketing et vise à légitimer un opportunisme foncier et financier dans un contexte difficile pour le monde paysan ».

Cohérente dans sa défense de l’autonomie paysanne, elle dénonce cette lubie industrielle qui en éloigne et « ajoute à la dépendance au complexe agro-industriel (industries de la grande distribution, des engrais, pesticides et semences, machines agricoles, banques, organisations syndicales défendant leurs intérêts…) une autre dépendance plus moderne et consensuelle, car porteuse de l’image de l’énergie renouvelable » alors même que « les gisements photovoltaïques sur les toitures et les espaces artificialisés sont largement suffisants pour répondre à la demande d’électricité renouvelable ».

Plusieurs raisons sont avancées, et qui sont d’autant plus d’actualité que la loi Enr aggrave les critiques de la Conf vis à vis de ces projets : « atteinte à la vocation nourricière de la terre du fait de l’artificialisation et d’une moindre disponibilité foncière, précarisation des paysan·nes, manne financière générant des conflits d’intérêts, perte de la qualité de vie au travail, dégradation des paysages, atteinte à la biodiversité »3


En décembre 2022, dans une Tribune sur Reporterre elle appelle « à refuser massivement ces projets et [exige] leur interdiction sur toutes les terres agricoles, naturelles et forestières ». Et alors que les parlementaires auteurs de la mission Flash qui légitime les projets, osent une légère mise en garde en affirmant que les projets ne doivent pas « dénaturer le cœur du métier de l’agriculteur », la Conf leur répond indirectement et clairement que « paysans, notre métier n’est pas de produire de l’énergie ».4


Dans les Landes, dès février 2021, la Conf Paysanne dénoncent « les affairistes souhaitant émarger aux dispositifs divers de la « relance verte » se ruent sur les terres agricoles. » 18 mois avant que la Conf nationale récuse ce terme marketing, les Landes affirment que « l’ agrivoltaïsme est le nouveau nom d’une nouvelle escroquerie verte. Le côté « agri » est juste le prétexte pour obtenir l’agrément du projet par l’administration ». Concernée par plusieurs projets de défrichement sur des milliers d’hectares, elle ajoute que « le massif forestier, même avec les défauts de son exploitation industrielle, joue un rôle majeur dans le climat et le régime des pluies dans la région. Ce capital doit être préservé et enrichi, plutôt que saccagé par des projets opportunistes ». 5


Au sud du Larzac, la conf de l’Hérault a occupé les locaux d’Arkolia contre leur projet de plusieurs centaines d’hectares en pleine zone Natura 2000, Unesco, de l’Aigle royal, etc…6


En octobre 2022, la Conf Centre Val de Loire dans sa contribution au SRADDET dénonce en avance ce qui sera inscrit dans la loi enr quelques semaines plus tard :  « Dans certains départements, des centrales photovoltaïques sont progressivement autorisées sur des friches industrielles, des terrains militaires, des friches agricoles de plus de 10 ans ou encore des délaissés autoroutiers. Selon les cas, les terres ne sont parfois ni polluées, ni « mauvaises » (au niveau agronomique). Ce sont donc des surfaces qui pourraient parfaitement retourner à l’agriculture (…) Certaines doctrines départementales prévoient aussi d’autoriser des panneaux lorsque le potentiel agronomique des sols est inférieur à un certain seuil. Or, c’est bien sur des terres considérées comme pauvres que s’est en grande partie développé l’élevage. Dans certains territoires, autoriser le photovoltaïque dans ces conditions revient à condamner une agriculture qui lutte pour perdurer, y compris une agriculture vertueuse comme la polyculture-élevage. Nous considérons qu’une agriculture paysanne doit exister sur tous les territoires et que tous les paysans et paysannes doivent pouvoir vivre de leur production agricole ».7


En mai 2021, la Conf de la Nièvre s’oppose aux 2000 hectares de projet et alerte « sur les dérives d’une agriculture industrielle et à vocation énergétique plutôt que nourricière » et dénonce « l’ambition de la chambre d’agriculture est de capter la moitié de la fiscalité énergétique des communes, communautés de communes et du département au seul bénéfice de la profession agricole, principalement afin de financer des retenues d’eau ».8


Dans les Alpes du Sud, dans un manifeste cosigné par la Conf 05/Attac et tout plein d’orgas, il est soulevé que « la quantité d’énergie produite allant bien au-delà des besoins locaux, ces centrales auraient pour conséquence annexe de nouvelles lignes à haute tension (…) Nos paysages sont le bien de tous.(…) Si on ne raisonne pas en termes de sobriété, le photovoltaïque, comme les autres énergies renouvelables, continuera à s’ajouter aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, nucléaire), comme c’est le cas aujourd’hui, sans jamais les remplacer. » 9


La Conf de Loire Atlantique met en avant qu’en «« instillant la possibilité d’une meilleure valorisation de la propriété foncière, l’agrivoltaïsme reproduit sur l’ensemble du territoire des phénomènes spéculatifs jusqu’alors seulement périurbains. Il y a un risque de rétention du foncier et d’explosion des prix des terres agricoles en Loire-Atlantique (…) Quelle sécurité pour les exploitants si le statut du fermage est détricoté pour un simple contrat entre les paysans et les installateurs de photovoltaïque ? Ce système renforce la précarité des paysans, qui seront liés aux sociétés productrices d’énergie par des conventions de gré à gré, résiliables à tout moment. Comment s’installer sereinement en agriculture quand on est avant tout le « servant » du propriétaire du parc ? Comment transmettre une exploitation avec une telle installation ?

L’installation de photovoltaïque au sol fige le système de choix de pose de l’installation, en définissant l’écartement, la hauteur, …. » (L’agrivoltaïsme : un concept au service de la spéculation foncière) 10


Dans l’Orne, la Confédération paysanne a fait voter une motion le 21 juin 2022 à la session chambre d’agriculture contre les projets de panneaux photovoltaïques sur des terres à vocation agricole a été votée afin « de s’opposer à l’implantation de champs photovoltaïques sur des terres à vocation agricole ; aux pouvoirs publics de légiférer pour interdire aux sociétés de démarcher les propriétaires de foncier agricole pour des projets photovoltaïques ».11

La Conf de l’orne récuse « ces projets photovoltaïques sur des terres agricoles, qui sont présentés sous la notion trompeuse d’« agrivoltaïsme »12


La Conf de Provence Alpes Côtes d’azur a fait voté une motion à la Chambre régionale Provence Alpes côtes d’azur en novembre 2022 qui dénonce « l’installation de panneaux photovoltaïques au sol -ancrages béton, clôtures lignes électriques enterrées et voies d’accès sur des kilomètres- provoque une artificialisation dont nous n’avons pas connaissance des impacts à long terme sur les fonctions des sols, la faune et la flore ». Cette motion renvoie l’agrivoltaïsme dans les cordes car « la rente photovoltaïque ne saurait être une solution pour pallier la perte de certaines aides, la faiblesse des prix agricoles, du revenu ou de la retraite des paysannes et des paysans. L’agrivoltaïsme réduit l’autonomie décisionnelle des paysans paysannes dans la conduite de leurs systèmes d’exploitations et les rend tributaires des entreprises qui pilotent leur installation ». En outre il « génère une nouvelle concurrence sur les usages du foncier dont il renchérit le coût, favorisant potentiellement la rétention foncière et menaçant la transmission des terres. Il créer une inégalité entre les fermiers et les propriétaires exploitants, qui pourraient valoriser leur foncier, le photovoltaïque étant incompatible avec le statut du fermage ».13


Dans l’Aveyron, la Conf a fait voter deux motions à la Chambre d’agriculture.

Le 26 novembre 2021, La Chambre rappelle « que les projets photovoltaïques sur les terres agricoles-au ssi appelées projets d’ agrivoltaïsme sont encore au stade expérimental et posent déjà de nombreux problèmes sur le terrain [et que] que les terres agricoles ont une vocation nourricière et ne doivent pas être mise en concurrence avec la demande énergétique croissante » elle demande ainsi « un moratoire sur tous les projets de photovoltaïque sur des terres agricoles » et « que cette technologie soit limitée aux toits des bâtiments, aux friches industrielles, aux parkings et à tout espace déjà artificialisé ; que de nouvelles surfaces ne soient pas attribuées à des propriétaires exploitant.e.s ayant volontairement artificialisé une partie de leur SAU »14

Déjà, le 15 mars 2021 la Chambre considère que « le développement de projets photovoltaïques au sol vont condamner la vocation agricole de surfaces ».15

En Aveyron la DDT se positionne fermement contre le projet Voltalia-Mulliez-La panouse-Lapeyre, et alors que la préfète précédente avait violemment délogé l’Amassada qui luttait contre l’industrialisation des campagnes, cette revendication se retrouve dans les services de l’état deux ans plus tard16 « ce projet remet en cause l’identité et la qualité paysagères de ce petit causse. La taille réduite de ce causse rend incompatible de fait ce projet industriel avec cet espace. La multiplication ou le cumul de plusieurs projets de ce type sur le causse Comtal remet totalement en cause l’identité paysagère de ce causse. Le rapport d’échelle pourrait évoluer et être inversé entre un paysage naturel et un paysage industriel » 17


Dans le Lot c’est le président du Conseil Départemental Serge Rigal qui s’oppose à un projet à Tour de Faure mené par Total :« Le département du Lot n’est pas le terrain de jeu d’investisseurs qui se découvrent une conscience écologique lorsqu’il s’agit de faire des profits et du greenwashing de leurs activités. Encore une fois, les « marchands de soleil » n’ont rien à faire au cœur de nos paysages protégés, alors même qu’il existe tant de surfaces déjà artificialisées et dégradées qui pourraient accueillir des projets de centrales photovoltaïques. »18


Dans le Tarn et Garonne, c’est le Service Régional de Police qui adresse une sévère critique à une centrale PV sur la commune de la Ville-Dieu-le-Temple et affirme qu’ au « niveau des panneaux photovoltaïques, l’effet d’ombrage, la réduction de l’exposition aux précipitations et la modification de la thermie modifieront le faciès de la végétation et les cortèges d’insectes associes. L’incidence brute potentielle devra donc être considérée comme forte sur les pelouses séches et les prairies humides (…) Les éléments de structure métalliques creux en position horizontale des panneaux photovoltaïques seront susceptibles d’être une source de mortalité par chute (oiseaux).

Les équipements électriques seront susceptibles d’être une source de mortalité par électrisation/électrocution (oiseaux, mammifères) ».


Dans le Gers, où la ZAD de l’orchidée se met en place contre un projet d’un parc photovoltaïque de 8 hectares sur des prairies naturelles bordées de haies qui doivent être détruites et déboisées, Stéphane Cazaban un apiculteur qui possède une parcelle de bois pour ses ruches à Haget, est convoqué le 23 mai devant le tribunal correctionnel d’Auch pour : “Infractions au Plan Local d’Urbanisme”. La LDH et les Amis de la Terre du Gers se questionnent : « La rapidité de la procédure se révèle tout aussi surprenante, alors que – dans le Gers ou ailleurs – des infractions au PLU bien plus importantes ou des atteintes à l’environnement mettent des années à être jugées ». 19


Dans les P-O ce sont les projets de Sun’Agri qui sont physiquement bloqués par des chaînes.20

Et alors que ce département souffre de la sécheresse, Nicolas Garcia, maire communiste de Elne, et vice-président du département met en avant de toutes autres solutions pour y faire face : « il faut mettre en œuvre une culture de la pluie. Par exemple, en désimperméabilisant les sols, les parkings, les places. Plutôt que de laisser l’eau ruisseler jusqu’à la mer, il faut faire en sorte qu’elle puisse s’infiltrer dans la terre. Il faut également remettre massivement des haies dans les propriétés agricoles, et augmenter le couvert végétal pour que le soleil assèche moins la terre. Tout cela représente du temps, de l’argent, des investissements. Ça ne pourra pas se faire sur une décision du préfet. Ça prendra dix ou quinze ans, mais il faut prendre ce virage pour qu’il n’y ait pas de sang sur les murs et de cadavres sur les routes ».1

Ce qui rejoint les préconisations du Directeur de l’Association Française d’agroforesterie Fabien Balaguer qui fait le constat qu’il « y a deux visions qui s’opposent » : « on essaye de nous faire croire que l’on a plus le temps de faire pousser des arbres et donc on met des panneaux parce que l’on met de l’ombre plus vite. La grosse différence entre l’arbre et le panneau, concerne l’ombre. Avec un arbre vous avez une ombre froide et humide et avec un panneau vous avez une ombre sèche et chaude, il suffit de se mettre sous un arbre et ensuite de se mettre sous un truc métallique et voir la différence ». Selon lui, c’est avec les arbres que « l’on peut avoir plus de résultats et surtout à plus long terme [car] il n’ y a qu’à regarder le pouvoir de stockage carbone d’ un panneau, le pouvoir de reconstruction des habitats et de la biodiversité, pareil sur le cycle de l’eau ». Et de conclure « en fait ce qu’il faut c’est de la photosynthèse et de la transpiration : ce qu’il manque aujourd’hui c’est des nuages si on résume ».2

Et d’en faire redescendre les agro-industriels du photovoltaïque.

 

Loïc Santiago, le 1er juin 2023.