Rhétorique de Christian Dupraz et d’Antoine Nogier
extrait du dossier « emberlificotage agrivoltaïque »
Ces deux personnes vont avoir un rôle prépondérant durant les quinze années d’émergence de ce concept.
En 2009 en Occitanie, le terme apparaît sous la plume de Christian Dupraz, agroforestier à L’Inrae de Montpellier, et d’Antoine Nogier, entrepreneur en panneaux solaires qui dirige actuellement le principal lobby « France agrivoltaïsme » avec la FNSEA (sur les positionnements de la FNSEA, voir « Au sujet de deux articles dans Reporterre »1).
Ce terme naît dans le contexte de la Circulaire du 18 décembre 2009 relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol qui réaffirme la priorité donnée à l’intégration du photovoltaïque sur les bâtiments et sur les sites déjà artificialisés. Ainsi « tout en favorisant le développement de ce type d’installation, vous porterez une attention particulière à la protection des espaces agricoles et forestiers existants ainsi qu’à la préservation des milieux naturels et des paysages. Les projets de centrales solaires au sol n’ont pas vocation à être installés en zones agricoles, notamment cultivées ou utilisées pour des troupeaux d’élevage »2. Qui plus est en 2011, la Doctrine régionale de Midi-Pyrénées signale qu’ « en 2008 et 2009, la quasi totalité des projets de centrales au sol examinés concernaient des terrains agricoles » et affirme que « la consommation de surfaces agricoles utiles pour le développement du solaire photovoltaïque est un conflit d’usage avéré qui n’est pas acceptable ». Tout l’inverse de la loi AER de 2023, qui grâce aux actions de Dupraz et Nogier, a permit de considérer que les terres agricoles ont vocation à recevoir du PV. La mise en scène de l’invention de « l ‘agrivoltaïsme » par Dupraz et Nogier est donc arrivé à point nommé pour légitimer cette atteinte aux terres, en tentant de la transformer en bienfait pour ces dernières.
Dupraz était par ailleurs conseiller régional de l’Occitanie, sous les couleurs d’ EELV entre 2016 et 2021. Et c’est durant son mandat que le programme de recherche « Sun’agri » qu’il a fondé avec Nogier quelques années plus tôt, issue d’un partenariat public-privé avec l’Inrae, a pu prendre un essor considérable, via les millions que la Région lui a octroyé, y compris en y investissant dedans, permettant ainsi à Sun’ agri de devenir l’entreprise leader mondial de « l’agrivoltaïsme » et d’être racheté par Eiffage en 2022 (voir l’article « Dupraz, l’évangéliste du photovoltaïque agricole »3).
Dupraz a deux préalables à sa vision : d’une part que la production d’énergie est consubstantielle à l’agriculture, en tentant de mettre un signe égal entre l’énergie de l’herbe pour nourrir la traction animale, et la production d’électricité… une vision partagée par le référent énergie de la FNSEA, Olivier Dauger (qui est aussi codirigeant du lobby France agrivoltaïsme avec Nogier) ainsi que par la coordination rurale.
D’autre part Dupraz compare les panneaux aux rôles des arbres, en oblitérant bien des rôles y compris symboliques (voir le document « Dupraz sous la canopée agrivoltée ou comment un panneau qui tombe sur un chercheur fait plus de dégât qu’une pomme»4).
Tarabiscoter un terme abscons
Cette notion a toujours été fluctuante, un concept volontairement flou, impossible à réglementer. L’action de Nogier et de Dupraz pourrait se résumer par la déclaration de Stéphanie-Anne Pinet, DG du lobby France Agrivoltaïsme, fondé par Nogier et auquel adhère Dupraz, expliquant que l’article sur « l’agrivoltaïsme » au sein de la loi qu’ils revendiquent comme étant le leur personnellement, permet de ne pas :« s’enfermer dans des grilles et des critères trop contraignants et trop exigus par rapport à l’évolution inévitable de la filière » (cf article « Dupraz l’évangéliste du photovoltaïque »5)
- En 2009 la première définition de Nogier et Dupraz est très simple puisqu’il s’agit d’une « association entre production agricole et énergétique tout en permettant que la parcelle soit mécanisable ». Bien que trop simpliste pour paraître encadrer quoique ce soit, car cela correspondrait actuellement tant « aux projetx PV vulgaires » qu’au noble agrivoltaïsme, et c’est grosso modo ce qui se retrouvera dans la loi, qui emberlificotera cette définition.
- C’est en 2018 que la CRE, sous l’impulsion de Sun’agri qui devient tout juste une société commerciale, emploie le terme « agrivoltaïsme », la première fois par une administration. La CRE ajoute une notion clé à cette première définition, et parle de « synergie » et « d’électricité secondaire » : « la production électrique doit être secondaire tout étant en synergie avec l’agricole ». Ou encore, cela donne : « couplage d’une production photovoltaïque secondaire à une production agricole principale en permettant une synergie de fonctionnement démontrable ».
- En 2019, le Conseil d’État ne reprend pas le mot et explique que les projets ne peuvent être acceptés que s’il y a une « compatibilité avec une activité agricole avérée »
- En 2020, avec Sun’ Agri, l’ agrivoltaïsme devient « dynamique » (géré par IA et informatisant les parcelles, Cf le dossier de Silence6), et vise « à améliorer la performance agricole » et à apporter « des co-bénéfices ».
Cette année-là, Sun’Agri rafle 75% des appels d’offres alors qu’ils sont une société commerciale depuis tout juste 2019 : un succès revendiqué par communiqué par la région Occitanie (où Dupraz est élu et membre « du bureau » de la région)… et voici qui leur remet les décorations : « Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, vient d’annoncer les résultats de la seconde période de l’appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité innovantes à partir de l’énergie solaire. Sun’Agri, pionnier de l’agrivoltaïsme dynamique, sort grand gagnant de cet appel d’offres »7 E. Borne qui est devenue première ministre en mai 2022, moment-même où la déferlante s’est accélérée. Le CNPN rappelle aussi le rôle prépondérant de la CRE, et qu’en « particulier, les pouvoirs publics ont ouvert la voie au développement de grandes centrales photovoltaïques au sol, incitées par des appels à projet de la commission de régulation de l’énergie », qui a arrosé Sun’agri…
- En 2021 une charte entre la FNSEA, les Chambres d’agriculture de France et EDF est signée autour du PV. On remarque le terme agrivoltaïsme n’existe pas. Il est juste mentionné la « complémentarité », terme que supplantera « la synergie ».
- En février 2021, le principal lobby, France territoire solaire, met en avant timidement le terme : « L’une des réponses possibles, actuellement en cours de développement par la filière photovoltaïque, repose sur les technologies dites de « l’agrivoltaïsme » (…) L’agrivoltaïsme consiste à concevoir un projet créant de véritables synergies entre la production agricole et la production d’électricité photovoltaïque. Il ne s’agit pas seulement de juxtaposer les composantes agricoles et énergétiques, mais de les combiner réellement (…) Cette analyse devrait permettre de forger une doctrine largement admise et reconnue par les acteurs de la filière, par le monde agricole, et par l’administration – laquelle tend pour l’instant à rejeter ces projets faute d’une définition claire et de règles permettant de distinguer un authentique projet agrivoltaïque d’un « faux » projet »8.
Et c’est justement en 2021 que se produit une double dynamique autour de Dupraz et Nogier.
D’un côté se crée en juin 2021 le lobby France Agrivoltaïsme, fondé par Nogier. Dupraz y adhérera l’année suivante.
De l’autre Dupraz co-écrit le rapport de l’Ademe qui au rebours de tous les précédents, légitime le terme agrivoltaïsme et encourage la déferlante solaires sur les Enafs.
- La directrice générale de ce lobby me déclarait en 2024 avoir plusieurs trophées à mettre à l’actif de ce lobby. Il en va ainsi de la certification AFNOR : « c’est nous qui l’avons initié ». Elle se félicite même que « cela a plutôt bien fonctionné». Un label qui définira « l’agrivoltaïsme » avec une nouvelle notion, celle de « service » rendus à l’agriculture (sur ce terme, Nogier me déclarera qu’il était plutôt contre les loyers versés aux agris, car vu qu’il rend service avec les panneaux, il ne va pas en plus donner de l’argent aux agri qui n’ont qu’à se contenter de ce « service »9). Le Label Afnor met en avant que les panneaux peuvent couvrir 50% des terres, à quoi s’ajoute les 10% de terres artificialisées par les pistes, transfos, etc… un beau service à l’agriculture ! Ce qui se retrouvera quasi tel quel dans la loi AER. Suite à quoi, la responsable de ce lobby égraine ses autres victoires : « La seconde des choses que l’on peut largement s’attribuer, c’est une définition de l’agrivoltaïsme [au sein de la loi sur les énergies renouvelables de 2023]. On est plutôt heureux et fier [de l’avoir] obtenue alors qu’elle n’était pas initialement prévue ». (Voir pour les détails de leur lobbying les « Copiés-collés parlementaires, dans la marre aux lobby »
- Et justement, dans le même temps de 2021, le coreligionnaire de Nogier, Dupraz ne chôme pas et co-écrit donc le rapport de l’Ademe -ce rapport avec qui le lobby sera « très en phase » lui permettant de présenter une définition de l’agrivoltaïsme dans la loi AEr. Un rapport qui sera prêt à l’été 2021 et qui au rebours des précédents légitime « l’agrivoltaïsme ». L’Agence explique même que « ces recommandations visent à encourager et favoriser le déploiement des projets agrivoltaïques ». Ainsi la notion de service est développée, puisque ce sont dorénavant quatre services dorénavant que « l’agrivoltaïsme » rend à l’agriculture (amélioration du bien être animal ; amélioration du potentiel agronomique, adaptation au changement climatique et lutte contre les aléas) -services qui se retrouveront tels quels dans la loi. Dans ce rapport, le PV se doit aussi d’être « secondaire » et en « synergie » et « ne pas induire une dégradation trop importante de la production agricole »). L’Ademe, parachevant l’œuvre rhétorique de Dupraz et Nogier entamée en 2009 visant à distinguer « les bons projets agrivoltaïques » des « vulgaires projets PV », met en avant une seconde catégorie de projet PV dit « de couplage d’intérêt pour l’agriculture » dont le principe se retrouvera dans la loi (cf « l’Ademe tombe dans le panneau de l’agrivoltaïsme » mai 2022. De ce rapport de l’Ademe, France Agrivoltaïsme jubile : « à la suite de cette publication, France Agrivoltaïsme se félicite notamment de la distinction claire qui est faite entre “service” et “cohabitation”. Selon l’association créée en 2021 pour promouvoir l’agrivoltaïsme, la définition proposée par l’Ademe est cohérente avec celle qu’elle a elle-même retenue, qui définit l’agrivoltaïsme comme l’ensemble des techniques de protection et de régulation agro-climatique d’activités agricoles, qui produisent à titre secondaire de l’électricité photovoltaïque ». C’est donc en toute logique qu’ ils se félicitent que « la définition est également en accord avec la “classe A” du label Afnor, qui caractérise les projets qui améliorent durablement la performance agricole de la parcelle et de l’exploitation. France Agrivoltaïsme participe d’ailleurs aux travaux d’extension de ce label à l’élevage »
2022, le déferlement agrivolté
Que ce soit le Label Afnor ou ce rapport de l’Ademe, les deux sont publiés en 2022, qui est l’année charnière de la déferlante photovoltaïque et de l’opposition nationale qui apparut.
- En 2022 donc, Macron ouvre le bal lors de son discours de Belfort, où il est prononce pour la première fois par un responsable politique aussi important, le terme « agrivoltaïque ». Pour lui il s’agit de donner « un revenu complémentaire » aux agriculteurs. C’est « une consécration » tel que l’exprime avec joie Antoine Nogier, patron de Sun’agri, et du lobby France agrivoltaïsme qui fait lui aussi le fanfaron dans des articles sur Reporterre au même moment, dénonçant à qui mieux mieux « les cowboys du photovoltaïque », sans qu’encore une fois aucune contradiction ne lui soit apportée15.
- Suite à cela une résolution est votée au Sénat en faveur de « l’agrivoltaïsme dynamique », terminologie de Sun’agri signifiant « se basant sur l’ IA » ; France agrivoltaïsme ayant bien entendu été consulté.
- A l’Assemblée nationale, une Mission Flash sur le sujet est portée par la député macroniste de Bretagne, agricultrice bio, Sandrine Le Feur. Cette mission a été une des matrice de la loi d’accélération des énergies renouvelables qui sera votée quelques mois plus tard. Attardons nous y un peu, car à ce moment là notion est plaisamment instable, et s’agrémente du terme « significatif » qui se retrouvera en 2024 dans le décret d’application de la loi Aer concernant l’ agrivoltaïsme.
- C’est donc par un exercice de taoïsme agrivolté qu’elle tente de définir ce concept, en expliquant qu’il ne faut pas trop peu d’électricité produite, mais pas trop non plus… ! Ainsi « des panneaux produisant peu d’énergie » ne sont pas de l’agrivoltaïsme, mais la centrale pv ne doit pas être trop importante non plus afin « de ne pas prendre le dessus sur la production agricole »… Alors là on se demande ce que cela peut bien signifier puisque l’on sait qu’un hectare de PV peut rapporter jusqu’à 200 000 euros de revente d’électricité à l’année
Le Feur continue son exercice de taï-chi : « nous définissons l’ agrivoltaïsme comme la coexistence d’un production électrique significative et d’une production agricole elle aussi significative : les termes que nous avons choisit l’ont été avec précisons »… en effet. Le terme « significatif » sera reprit dans la loi, bien qu’il soit aussi vague que cette mission Flash, qui s’écrivant avant les premières positions nationales des syndicats agricoles (Conf, puis JA), permet à Le Feur d’être franche, puisque selon elle il s’agit de donner « un complément de revenu [afin] de sécuriser leur modèle économique ». Un argument, qui par pudeur, ne sera pas reprit lors des mobilisations agricoles de l’hiver 2023-2024.
Et étonnamment quelques mois plus tard lors du débat sur la loi AER, dans un amendement trop franc pour qu’il ne soit pas rejeté, Le feur explicite ce qu’elle entend par « agrivoltaïsme » : « Ne dépeignons pas les panneaux solaires comme des solutions d’adaptation au changement climatique des cultures agricoles ou de protection agronomique, car il ne s’agit pas d’investir dans une protection de haute technologie des cultures agricoles. Ce serait absurde car bien d’autres techniques moins coûteuses existent pour remplir cette mission. Il s’agit d’assurer l’essor de la production d’énergie décabornées au moindre coût tout en garantissant le maintien de la protection agricole. Voilà le défi ! » (cf « Dans la gadoue agrivoltée »17).
- Revenons au 20 avril 2022, dans le débat télévisé de l’entre deux tours des présidentielles : Macron face à Le Pen, le premier vantant « l’agrivoltaïsme raisonné » et le « petit solaire ». Un appel de phares lancé à la FNSEA.
- Et c’est le 27 avril que l’Ademe sort enfin le rapport co-écrit par Dupraz. Un rapport qui fait la distinction entre deux types de photovoltaïque : un bon « agrivoltaïque » et « d’autres types d’installations intermédiaires dites de « couplage d’intérêt pour l’agriculture »18. Distinguer deux catégories de PV, mais confusément…
- En avril toujours, les JA, la FNSEA, Les Chambres ‘agriculture de France sortent une nouvelle doctrine qui use pour la première fois du mot « agrivoltaïsme » pour lequel ils souhaitent voir un encadrement. Ce terme d’agrivoltaïsme leur sert à délégitimer « le PV au sol ». 80 000 à 200 000 hectares sont évoqués pour être recouverts, sans qu’ils récusent la nécessité de ces surfaces.19
- Au mois de mai 2022, un Arrêté et un Décret de la loi Climat et Résilience de 2021 est mis en consultation, et permet de ne plus considérer comme étant de l’artificialisation des centrales photovoltaïque au sens large, si tant est qu’il existe « un espacement entre deux rangées de panneaux distincts au-moins égal à la largeur maximale de ces panneaux », ainsi que « le maintien d’un couvert végétal adapté, que les panneaux sont plus haut que 1,10 mètre »
D’ailleurs, je CNPN décrit la scène : « L’installation d’une centrale photovoltaïque au sol nécessite le plus souvent un terrassement, une base chantier (zone de stockage de matériaux, base vie), des réseaux électriques dans le sol, un ancrage des panneaux (généralement par pieux vissés, mais qui peut prendre la forme d’un socle en béton pour fixer les panneaux selon le type de sol), des pistes internes et de nouvelles pistes d’accès, un ou plusieurs postes de transformation sur le site, l’installation d’une clôture, d’éventuels fossés de drainage et un raccordement électrique vers le poste source le plus proche. Il faut y ajouter les obligations légales de débroussaillement de 20 à 50 m (parfois 100 m, comme en région PACA) de large selon les régions, pour prévenir le risque incendie ; ces obligations ne concernaient que le sud de la France jusqu’à 2023, mais vont désormais s’étendre à un nombre croissant de départements du fait de l’occurrence de plus en plus régulière d’incendies en dehors des zones méridionales (…) Certains projets soumis au CNPN induisent pourtant la création de plus 5 voire 10 ha de pistes : pistes périphériques au sein de la zone clôturée, piste extérieure le long de la clôture, pistes traversantes à l’intérieur de la zone clôturée. Il s’agit là d’une destruction d’habitats naturels, induisant une compaction forte du sol.»22
- En juillet on a le Décret 2022-970 qui exempte les « ombrières » d’étude d’impact environnementale. C’est parfait, c’est un terme qu’emploie Sun’agri dans ces permis de construire.
- A l’automne toujours, c’est au tour de la LPO -aidée par l’OFB ainsi que par l’Ademe qui a viré casaque, de ne plus veiller au grain et de tenter de distinguer deux types de photovoltaïque23. Pour l’association, qui a elle aussi du mal à définir ce concept, le conditionnel s’impose. Ainsi l’agrivoltaïsme vise « en théorie à préserver les terres agricoles ». En théorie… Et « cela peut passer par un rehaussement ou un espacement plus important par rapport à une centrale photovoltaïque ». Cela peut… Donc pour ces scientifiques aux becs si fins, on reconnaît une bonne centrale agrivoltaïque, à visto de naz.
- A l’automne encore, au Sénat, lorsqu’une proposition de loi en faveur de l’agrivoltaïsme est proposée, une mobilisation de la Conf réussit in extremis à faire que le groupe EELV s’abstienne, alors qu’ils devaient adouber cette lubie naissante ; une loi qui est tout de même votée et qui prône que 20% des agriculteurs produisent 30% des Enr (cf Les sénateurs « Les indépendants « en totale synergie avec l’industrie agrivoltaïque »24 et « Contre l’agrivoltaïsme, l’autonomie paysanne »25).
- On en arrive enfin à l’Assemblée nationale, lors de la loi d’accélération des énergies renouvelables débattue fin décembre. La bataille parlementaire pour la suppression de « l ‘agrivoltaïsme » a faillit être gagnée, puisque un amendement de suppression de l’article, porté par Laurent Alexandre et Aurélie Trouvé de la LFI, n’a été rejeté qu’à deux voix, à cause de l’abstention d’ EELV, des socialistes et même du vote contre cet amendement de quelques communistes. Nous fûmes à deux cheveux d’éviter en grande partie cette déferlante (cf « Dans la gadoue agrivoltée » pour les détails de ce moment et des votes26). C’est donc dans un grand flou sur ce que pouvait bien être « l’agrivoltaïsme » que cette article phare de la loi a été débattu puis voté, et ardemment défendu par les Dubeau DuBon Dubonnet de l’agrivoltaïsme, les députés socialiste Potier, EELV Fournier et macroniste Bothorel.
Et on doit à Charles Fournier, référent de cette loi pour EELV, quelques belles absurdités : « l’agrivoltaïsme doit se développer d’abord sur les sols déjà artificialisés »…vu que les projets agrivoltaïques « ne contribuent pas à artificialiser les sols »… : la question logique qui suit est peut-on planter des choux sur un parking ? Comprenne qui pourra. Et lorsqu’il tente de se rattraper, c’est pire : « notre position est claire : nous voulons un agrivoltaïsme (…) qui ne soit pas au sol »… sous terre donc, ou dans les cieux ? Enfin il explique que « lesdites installations ne doivent [pas] conduire à empêcher le changement de culture sur la même parcelle »… comme passer de l’élevage ovin sous panneaux à l’arboriculture de plein vent avec des poiriers et pommiers francs ?
Au milieu de ces absurdités intervient le Rapporteur macroniste de la loi, Bothorel, en pleine confusion titubante. Lorsqu’il essaye de différencier le bon photovoltaïque agrivolté du mauvais photovoltaïque, reprenant la distinction de Sun’agri et de l’ADEME, il patauge longuement : « les panneaux doivent être installés plutôt en hauteur et être démontables ». Pis vl’à ti pas que « les animaux doivent pouvoir passer dessous ». Bothorel tente une pointe d’humour et annonce fièrement que « nous nous opposerons aussi à [l’ installation de panneaux] au sol sur les terres agricoles – c’est, je crois, une position consensuelle, issue d’un travail transpartisan ». Et le voilà d’affirmer que : « Soyons très clairs à ce sujet ! Si, si, j’insiste. Je le redis, il n’y aura pas panneaux photovoltaïques au sol sur les terres agricoles. C’est aussi simple que cela ». En train de tituber très clairement, il ajoute que « nous ne voulons pas introduire de confusion dans la doctrine que nous allons nous efforcer d’écrire, et même de coécrire, ce soir, doctrine qui consiste, encore une fois, à renforcer l’agrivoltaïsme, auquel vous êtes très attachée, sans permettre pour autant l’installation de panneaux photovoltaïques au sol sur les terres agricoles (…) cela me paraît tout à fait clair, mais je me suis peut-être mal exprimé ». Il reprend son souffle et enchaîne : « donc je vais expliquer à nouveau le principe du dispositif. Développer l’agrivoltaïsme sur des terres agricoles sera possible ; développer du photovoltaïque au sol sur des terres agricoles ne sera en revanche pas possible [car] non seulement la photosynthèse ne peut pas se faire derrière un tel panneau, ce qui ruine la terre, mais les panneaux affectent aussi le ruissellement, ravinent les terres et en dégradent la qualité. Incontestablement, ce schéma n’est donc pas bon ».
C’est tellement simple et clair que la loi écrite et défendue par Bothorel prévoit exactement l’inverse. Ainsi, la seconde catégorie de projet correspond à des panneaux sur des terres agricoles arbitrairement appelées « incultes »… mais aussi sur des zones à vocation naturelles, forestières, et pastorale, devant être compatible avec l’agriculture. Comment peut-on avoir une vocation à l’agriculture, y être compatible et être « incultes »… ?
Pourtant, comme le rappelle le CNPN, « En France, nombre d’écosystèmes présentant une grande richesse en espèces sont détruits au motif qu’il s’agit d’anciennes carrières, de friches, ou de forêts jugées à faible « enjeu » ou à faible « patrimonialité », ou encore d’espaces agricoles, naturels ou forestiers considérés comme « incultes » (…) Le CNPN recommande que les notions de friche et de terres incultes soient plus explicites et plus restrictives dans les appels à projet de la Commission de Régulation de l’Énergie, en cohérence avec le décret n°2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme, et qu’elles excluent de ces « délaissés » les terrains non bâtis à vocation agricole ou forestière, ou ayant fait l’objet d’un réaménagement écologique ou d’une renaturation. Le degré de végétalisation d’une friche doit faire partie des alertes sur le potentiel d’enjeux de biodiversité. (…) Particulièrement important dans le cas qui nous préoccupe ici, ce même décret [le décret n°2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme est venu préciser la notion de friche (art. D. 111-54 du code de l’urbanisme et apporte une clarification utile aux dispositions de l’article L. 111-26 du code de l’urbanisme] précise : « III. Ne peuvent être considérés comme des friches au sens du présent code les terrains non bâtis à usage ou à vocation agricole ou forestier. » La notice du décret précise que les terrains à caractère naturel, y compris après avoir fait l’objet d’une renaturation (même spontanée), ne sont pas non plus concernés car ils présentent bien un usage à cette fin sans nécessiter de travaux pour leur réemploi. »
C’est donc dans cette gadoue photovoltée que ce concept marketing a été inscrit dans la loi, en reprenant les 4 critères du rapport de l’ademe co-écrit par Dupraz.
Lors d’une interview du lobby France agrivoltaïsme, la directive générale S- A Pinet déclarait que c’est à eux que l’on doit cet article et cette inscription dans la loi. La position défendue par ce lobby dirigé par Nogier est qu’il « ne faut pas s’enfermer dans des grilles et des critères trop contraignants et trop exigus par rapport à l’évolution inévitable de la filière » (cf article « Dupraz l’évangéliste du photovoltaïque »27)
2https://www.bulletin-officiel.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Bulletinofficiel-0024005&reqId=322b736a-b072-44b5-bc6d-386a26ca798b&pos=2
3https://lempaille.fr/levangeliste-du-photovoltaique-agricole , par l. Santiago
7 https://sunagri.fr/sunagri-pionnier-de-lagrivoltaisme-confirme-sa-position-de-leader-sur-le-marche-lors-des-resultats-de-lappel-doffres-innovation-de-la-cre/
8https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/France-Territoire-Solaire-Rapport-sur-le-developpement-de-projets-solaires-en-France.pdf
12Voir les déclarations de Stéphanie Anne Pinet de ce lobby qui le revendique, dans l’article » Dupraz, l’évangéliste du photovoltaïque agricole » https://lempaille.fr/levangeliste-du-photovoltaique-agricole
20https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/communique-n.10-def-ademe-agrivoltaisme.pdf par l. Santiago
22 Autosaisine du CNPN relative à la politique de déploiement du photovoltaïque et ses impactes sur la biodiversité juin 2024 : https://www.avis-biodiversite.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2024-16_avis_deploiement-photovoltaique-impacts-biodiversite_cnpn_du_19_06_2024_vf.pdf
