L’agriculture paysanne contre l’agrivoltaïsme
extrait de la synthèse « emberlificotage agrivoltaïque »
Voici les grandes lignes de l’argumentaire de la Conf qui défendant l’agriculture paysanne, a affirmé son incompatibilité avec toutes les centrales photovoltaïque sur les Enafs. Deux documents sont à consulter, la note de positionnement de septembre 20221 et le vrai/faux du printemps 2024 2.
Les valeurs de l’agriculture paysanne peuvent se regrouper en 6 thèmes : l’autonomie, la répartition, le travail avec la nature, la transmissibilité, la qualité des produits, le développement local et la dynamique territoriale.
Si l’on prend la question de l’autonomie, il a été mis en avant que le pv sur Enafs ajoutait une nouvelle dépendance à celles de l’agroindustrie : « L’agrivoltaïsme éloigne de l’autonomie : il ajoute à la dépendance au complexe agro-industriel (industries de la grande distribution, des engrais, pesticides et semences, des machines agricoles, des banques, organisations syndicales défendant leurs intérêts…) une autre dépendance plus moderne et consensuelle, car porteuse de l’image de l’énergie renouvelable »3
La question sous-jacente a été celle de définir quel est le métier qui est défendu : est-celui de cultiver des kilowatts ou de produire une alimentation saine et de qualité et d’être justement rémunéré pour cela ? Est-ce vivre des loyers versés par les industriels qui peuvent atteindre 5 à 10 000 par hectare et par année ?
Si l’on décline la notion d’autonomie il y a celle dans les pratiques agronomiques. La liberté d’action étant au cœur des revendications de la Conf dont un des représentant a pu dire que « notre rôle n’est pas de devenir des jardiniers sous des panneaux ». Car si un changement de culture est souhaité, comme passer de l’élevage ovin à l’arboriculture de plein vent ? Les industriels viendront-ils démonter leurs panneaux ? L’autonomie dans les pratiques agronomiques est promue par Dupraz ? Mais « les engins roulent toujours au même endroit, ce qui risque de tasser le sol »4
Aussi, comme nos articles dans Silence et l’Empaillé on pu le montrer, Sun’agri, l’entreprise phare du secteur, promeut une informatisation de l’agriculture (voir le Dossier de la revue Silence5 et l’article « les cultivateurs de kilowatts font main basse sur les PO »6) L’informatisation de la parcelle s’y oppose : savoirs-faire et savoirs-être supplantés par des données, des serveurs, des ingénieurs à Lyon, et des rétroactions à distances. « Le cœur du réacteur de Sun’Agri c’est le numérique »7 déclare Nogier. Et Sun’agri est un programme de l’Inrae mis en place par Dupraz. Ainsi les paysan.nes perdent le contrôle sur leurs parcelles.
L’agrivoltaïsme n’a t’ il pas le même rôle fallacieux pour les paysan.es que les objets connectés donnés aux personnes âgées en l’absence d’ humains ? Cette technologisation de l’agriculture ne vient-elle pas pallier l’absence de prix rémunérateurs, le gigantisme des surfaces qui deviennent impossible à gérer sans de puissantes machines alors même que les paysan.es se retrouvent seul.es dans leur ferme ? Ne vient-elle pas pallier la destruction des arbres et des haies lors de décennies de remembrements industriels des parcelles ?
La qualité de vie au travail est aussi primordiale : lever la tête et regarder le ciel, écouter le chants des oiseaux, ou au contraire entendre le crépitement des onduleurs et voir des tonnes de métal à l’hectare ? Le cadre de travail se doit aussi d’être un cadre apprécié et co-construit le plus collectivement possible avec les habitantes et habitants.
C’est donc un rapport sensible au monde qui est défendu, une vision de la beauté qui est assumé, contraire à l’industrialisation des campagnes promue par un Nogier déclarant « Quand vous êtes dessous, il y a une structure, je ne trouve pas cela moche »8
D’autres arguments s’ajoutent, tels la zizanie dans les prix du foncier lorsque du PV est mis dessus, l’hectare pouvant atteindre 40 000e, rendant sa transmissibilité quasi impossible. Ou encore la rétention foncière due à la rente solaire que les propriétaires souhaiteront garder pendant leur retraite. La précarisation des paysans et paysannes via la mise à mal du bail rural, bail permettant une protection contre les propriétaires en garantissant la jouissance paisible de son bien : les industriels étant gênés de ne pouvoir faire ce qu’ils veulent sur les parcelles, y passer, etc… Actuellement afin de contrer cela, des conventions précaires (ou commodat) sont mises en place, ne garantissant aucun droit aux paysans pouvant se faire mettre de hors à tout moment. La FNSEA et les industriels tentent de faire voter un bail rural agrivoltaïque, qui lui aussi priorisera les besoins des industriels en souhaitant que les pratiques agronomiques soient adaptés aux panneaux, et non l’inverse.
Aussi, les effets ondes basses fréquences sur les animaux est aussi posée par la Conf9.
Enfin la comparaison est faîte avec les apports de l’agroforesterie. « La grosse différence entre l’arbre et le panneau, concerne l’ombre. Avec un arbre vous avez une ombre froide et humide et avec un panneau vous avez une ombre sèche et chaude (…). Ensuite il n’ y a qu’à regarder le pouvoir de stockage carbone d’ un panneau, le pouvoir de reconstruction des habitats et de la biodiversité, pareil sur le cycle de l’eau » déclare Fabien Balaguer, directeur de l’association française d’agroforesterie (voir l’entretien entier ici10) et ex-collègue de Dupraz, et qui ajoute sur son compte Linkedin, en réponse au commercial de Sun’agri qu’ « il faudrait aussi se demander si, dans une approche système, les panneaux contribuent aux performances agro-environemmentales de notre agriculture : – régénération des sols : bof – stockage carbone : rebof – régulation du cycle de l’eau : rerebof – développement de la biodiversité : pas mieux – microclimat : toujours pas… Bref… Décevant quand-même, pour une solution du 21e siècle… » 11
Étonnamment, le « Guide 2020 pour l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme pour les centrales solaires au sol » publié par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire (Mme Élisabeth Borne) et le Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales (Mme Emmanuelle Wargon), précise que « l’augmentation du prix du foncier et la spéculation sur les terres « à énergiser » () compliquera l’installation de jeunes agriculteurs, défavorisera les petites exploitations locales axées sur les circuits courts, contre un revenu principal éloigné de l’activité agricole et la perte d’une qualité de vie au travail.»12
Le photovoltaïque sur les Enafs et son fer de lance commercial qui a été nommé « agrivoltaïsme » sont souvent évoqués comme un mal nécessaire qu’il s’agirait de réglementer. J’ai essayé de montrer que cela ne peut être possible, car on encadre pas un concept marketing. « L’agrivoltaïsme » pourrait aussi se comparer aux perturbateurs endocriniens, ce n’est pas tant leur nombre qui crée le désordre.
Face à ce flou, il convient d’opposer un discours clair en refusant cette terminologie, et contre ces installations industrielles, défendre des parcelles de beauté.
Ce à quoi se sont engagés 410 organisations nationales, régionales et locales ayant signé une tribune initiée par la coordination nationale.13
1https://www.confederationpaysanne.fr/sites/1/mots_cles/documents/4%20pages%20photovoltaique-10-2023.pdf
2https://www.confederationpaysanne.fr/sites/1/mots_cles/documents/vrai-faux%20agrivoltaisme_VF07-2024.pdf
3https://www.confederationpaysanne.fr/sites/1/mots_cles/documents/4%20pages%20photovoltaique-10-2023.pdf
4 https://www.challenges.fr/green-economie/agrivoltaisme-lenergie-solaire-photovoltaique-nouvelle-solution-des-agriculteurs-pour-proteger-leurs-recoltes_826815
5Par Lola Keraron https://www.revuesilence.net/numeros/524-Agrivoltaisme-Ne-tombons-pas-dans-le-panneau/
6Par loic santiago https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/main-basse-sur-les-Pyrenees-Orientales-1.pdf
9Sur ce sujet voir https://lempaille.fr/deux-rapports-sabotent-lagrivoltaisme par Lola Keraron et LS
11https://www.linkedin.com/posts/boris-marchal-9896171a5_agrivolta%C3%AFsme-lavertissement-de-linrae-activity-7133709936538071040-2N4g
