Au sujet des surfaces photovoltées,
janvier 2024
A la pêche aux terres agricoles et forestières
Tandis que les dirigeants des industriels de l’énergie versent des larmes de crocodiles sur le soi-disant manque de surfaces propices à accueillir des centrales autres que des surfaces déjà artificialisés, leurs équipes mettent en pratique ce saccage des terres agricoles.
C’est ainsi qu’Antoine Nogier, président du lobby France Agrivoltaïsme, qui pour se justifier d’attenter aux terres agricoles, remet en cause le rapport de l’ADEME de 2018, rapport qui montrait l’existence de 123 GW de surfaces disponibles en toitures industrielles. Auprès du journal l’Empaillé1 Nogier déclarait que ces toitures ne pourraient se consolider qu’au prix d’un lourd investissement : « Y a un rapport de réalité qui fait que c’est pas possible économiquement parlant ou alors il faudrait multiplier par 10 le prix de l’énergie ». Cela c’est lui qui le dit. Puis l’État ne pourrait-il pas subventionner ces travaux ? Puis qu’en est-il des toitures amiantées qui pourraient être remplacées ? « Y a beaucoup de propriétaire qui ont pas les moyens. L’État ne vas pas prendre en charge le désamiantage des toitures privées ! » assène t-il. C’est un point de vue néolibéral qui se défend. Notons tout de même que la même région Occitanie, qui investit dans Sun’agri, met en place une aide conséquente de désamiantage pour du PV, à hauteur de 25e le m2. L’Agence nationale de l’habitat fait de même.
Pour imposer leur fuite en avant énergétique, les représentants de l’agroindustrie lancent depuis deux années des hameçons de terres à couvrir, et attendent voir comme cela réagit du côté JA/ FNSEA (car très calme est l’eau du lac des orgas nationales environnementales : FNE, Greenpeace, Amis de la Terre…).
Pour mieux visualiser ces leurs photovoltés, considérons qu’à minima 1 GW équivaut à 1000 hectares, mais parfois à 1500, bref cela va dépendre des technologies et des taux de couvertures autorisées. Par exemple des projets de Sun’Agri (Nogier/ Dupraz/Inrae,Sun’R puis Eiffage) produisent 0,77 Mwc sur 1 hectare soit 0,77 GW sur 1000 hectares.
Nogier déclare par ailleurs qu’1 GW équivalent à 1000 ou à 2000 hectares… : « Emmanuel Macron a fixé l’objectif du solaire à 100 Gigawatts (GW) d’ici à 2050. On peut les faire avec 100 projets d’1 GW, ce qui correspond à 1000 à 2000 hectares ou avec 100 000 projets d’1 Megawatt (MW)». 2
Qui plus est, si parfois des chiffres en Gigawatt ou en hectares sont avancées, la part des surfaces sur les terres agricoles ou forestières n’est pas toujours précisé. Par pudeur assurément.
Le premier hameçon est lancé par Macron en février 2020 à Belfort. Nogier déclarait alors à l’Empaillé que « les 100 GW de Macron c’est bien, c’est rond, il a le mérite d’avoir avancé un chiffre que personne avant lui n’avait osé avancer ». Un gars méritant, rond et bien ce Macron, et c’est le président du lobby France Agrivoltaïsme qui le dit.
Restons avec Nogier qui revendiquait en août 2022 auprès du journal 150 000 hectares de terres agricoles :« Il va falloir mobiliser des terres agricoles pour la transition énergétique. Il y a un besoin de 100 à 150 000 hectares ».
C’est ainsi que le Plan Solaire Agricole de 2022 par son lobby France agrivoltaïsme3 revendique 100 GW sur les terres agricoles. France Agrivoltaïsme met en avant la nécessité de développer 80 GW d’ agrivoltaïsme répartis sur 30 000 exploitations et elle présente la seconde catégorie de projets qu’elle nomme « projets au sol, de territoire (…) des centrales de grande taille unitaire (> 200MW) à développer sur des parcelles qui n’ont aucun potentiel agronomique ou forestier » et qui concernerait 20 GW. Telle l’ADEME et son rapport coécrit par Dupraz, voici la distinction entre 2 catégories de projets qui ne cessera d’être martelée depuis.
100 GW avec le ratio de Sun’Agri cela donnerait 129 870 hectares.
Joint par téléphone en novembre 2023, Stépanie-Anne Pinet, chargée des relations institutionnelles au lobby France Agrivoltaïsme va plus loin : « l’agrivoltaïsme aura une part très importante dans le solaire puisque de toute façon il reste très peu de foncier hors terres agricoles. Pour autant nous on estime que l’agrivoltaïsme peut dépasser les 20GW de capacités installées dès 2030 et atteindre les 65 GW d’ici 2035 (…) avec 1% des terres agricoles on peut atteindre un objectif très significatif à la production des énergies décarbonnées via l’agrivoltaïsme » Soit 267 000 hectares.
Quelques semaines auparavant, en juin 2022, l’ADEME proposait lors d’une réunion au Ministère un scénario à 125 000 hectares de terres :
En octobre 2022 la LPO, l’ADEME et l’OFB sortent un rapport qui précise les chiffres de l’ADEME : « De son côté, l’ADEME (2022b) évalue la puissance photovoltaïque nécessaire à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 entre 92 et 144 GW en fonction du scénario retenu ».
Quelles surfaces de terres doivent être mobilisées ? L’ADEME parle de PV au sol « évalue également les surfaces nécessaires au déploiement du photovoltaïque au sol dans ces différents scénarios de transitions énergétique à l’horizon 2050 entre 75 200 et 124 640 ha, dont 2 700 à 39 900 ha strictement incompatibles avec les usages d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF)». Peu clair cette seconde partie de phrase.
Puis ce rapport de la LPO cite RTE qui « étudie également plusieurs scénarios prospectifs à l’horizon 2050 qui respecteraient les objectifs des Accords de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. A cette échéance, la puissance maximale installée en énergie photovoltaïque varierait de 70 GW – dans l’hypothèse d’investissements importants dans le nucléaire – à 208 GW dans une hypothèse de sortie totale du nucléaire (RTE 2021) ». Mais sans dire combien sur les Enafs.
En novembre 2022 le Ministère de la Transition énergétique annonce à l’AFP que pour avoir 100 GW il faut couvrir entre 100 000 et 200 000 hectares soit « 0,2% à 0,4% du territoire »4. Ce qui représente le département de l’ Essonne ou des Yvelines entièrement recouvert, ni plus ni moins. Ce qui fait réagir Christiane Lambert, alors à la tête de la FNSEA « Le gouvernement cherche 100 000 hectares. Il nous dit « C’est pas beaucoup » » (ibid).
Le même rapport LPO aborde ensuite le scénario Négawatt de 2018 « qui suppose une réduction drastique de notre production et de notre consommation d’énergie, envisage ainsi une puissance installée de 140 GW à cette échéance : 120 GW répartis entre des petites installations sur maisons individuelles, des installations de taille moyenne sur des bâtiments plus importants, des ombrières de parkings et 20 GW dans de grands parcs au sol sur des friches industrielles ou des terrains délaissés impropres à l’agriculture, soit une surface d’environ 200 km² de panneaux au sol (Association négaWatt 2018) ».
Donc avant la mode agrivoltée post-covid, Négawatt ne parlait pas de parcs PV sur les ENAfs… En passant l’association explique que « pour atteindre les 120 GW pour les installations petites et moyennes nécessiterait une réorientation de l’effort d’installation (effort actuel surtout centré sur les CPV) mais permettraient de limiter fortement les pertes associées au transport de l’électricité. (Figure 2) ».
Quant au scénario Négawatt de 20225, il souhaite multiplier par 13 la production PV. Mais les ordres de grandeurs restent dans les possibilités données par les rapport de l’Ademe sur les surfaces disponibles ailleurs : chiffres de l’ADEME d’ailleurs présentés comme étant valides. En somme on peut se passer de nucléaire et mettre du PV sur des surfaces artificialisées. Par contre Négawatt ne justifie pas pourquoi il y aurait la nécessité d’aller sur les « parcs au sol », on peut supposer que c’est pour des questions de coût et de rapidité de déploiement. Comme nous le démontrions dès 2022, le choix d’aller sur les terres est du à l’absence d’une volonté politique6. Et notons que le terme agrivoltaïsme n’existe pas.
Ainsi « avec une puissance totale installée de 143 GW en 2050, le scénario négaWatt 2022 exploite un peu moins d’un tiers du gisement photovoltaïque estimé par l’ADEME à 465 GW (dont 62 pour les parcs au sol et 403 pour les installations en toiture). Le potentiel de la filière est donc très loin d’être saturé ». Négawatt veut 54 GW au sol : « Une partie des parcs au sol sera constituée de systèmes avec trackers qui suivent la course du soleil, permettant de lisser la courbe de production. Les installations au sol incluent également des centrales flottantes sur lac, étangs, gravières, etc ». Ces 54 GW peuvent donc aller sur les surfaces artificialisées ou vers les 403 GW en toitures mis en avant par Négawatt…
Donc 100 000 hectares – à minima, avant le départ des débats à l’Assemblée en décembre 2022.
Et lors du débat de la loi APER à l’Assemblée en décembre 2022 la Ministre déclare que «100 000 hectares, cela représente à peu près 66 gigawatts »7. Ce qui change la donne et 1GW équivalent alors à 1515 hectares. Mais 100 000 hectares sont évoqués.
En juin 2023, arrive le Plan France nation verte présenté par la première ministre8 : on peut y lire que la volonté est entre 128 et 160 GW en 2050. On y trouve aussi qu’il y aurait 140 GW en tout, dont 45 Gw sur les Enafs = 49 365 hectares si on suit les calculs proposés dans ce documents (qui fait correspondre des terrains de foot à des Terawatheures : on doit s’ennuyer dans les ministères).
Et si on prend comme base la déclaration ci-dessus de la Ministre, et qu’on les applique pour les 45 GW Enafs du Plan France nation verte de juin 2023, cela équivaut à 68 000 hectares, avec l’incertitude sur les 45 autres GW sur « friches » et ce qu’elles signifient. Car le doute existe sur ce que signifie pour le ministère « friches », car la loi/ décret APER alors en discussion crée la notion de « terres incultes et inexploitées » sur lesquelles il y aura du PV.
Ainsi dans ce plan France nation verte la distinction est faîte entre « agrivoltaïsme » et « pv agricole » et sur la même page cette distinction n’est pas reprise et une autre est proposée entre « ENAFS=45 GW avec un point d’interrogation » et « friche = 45 GW». En ce cas de friches au sens large, il faut compter 45 GW souhaitait en plus par ce Plan.
Quant à la Stratégie française énergie-climat qui vient de sortir cet hiver 2023 elle vise à « doubler le rythme annuel de développement de nouvelles capacités » pour atteindre une capacité installée de 54 à 60 GW en 2035 et 75 à 100 GW en 2035 (contre 18 en 2023). L’hypothèse haute représente une installation de 7 GW tous les ans. Et ne précise pas contrairement au Plan France nation verte, déjà peu clair, la part du PV sur les Enafs.
En janvier 2024 Plein Champs nous apprend que « « L’impératif absolu » est que le déploiement de l’agrivoltaïsme ne se fasse pas au détriment de la souveraineté alimentaire, affirme le cabinet ; d’après leurs calculs, les terrains concernés ne pourront théoriquement pas dépasser 0,2% du foncier agricole »9, soit 52 000 hectares.
Bref rien de bien clair au vu des volontés précédemment exprimées par le gouvernement, qui à force de lancer des hameçons en finit par troubler l’eau.
Si l’on s’attarde désormais sur les déclarations du principal propagandiste de cette lubbie destructrice, on découvre que Christian Dupraz adapte ces chiffres à son auditoire, mais permet de décomplexer les industriels dans leurs velléités. Dupraz plaide pour des chiffres qui varient : parfois 100 000 hectares (Reporterre) avec 10 000 projets de 1 hectare, voire 200 000 hectares (en 2022 devant le Parc du haut Languedoc) ou 500 000 hectares (Tribune dans Le Monde), voire moins de 1 million (Connaissance des énergies). En somme il s’adapte à son auditoire.
Dupraz a ainsi sorti une tribune dans Le Monde10 le matin même où l’article 11 était examiné à l’Assemblée en décembre 2022 : « En équipant moins de 2 % de la surface cultivée française en systèmes agrivoltaïques de nouvelle génération, on peut produire l’équivalent en électricité de tout notre parc électronucléaire actuel, sans aucune baisse de la production agricole, démontre le chercheur en agroforesterie Christian Dupraz, dans une tribune au « Monde ». Et 2% de 30 000 000 cela fait 600 000 hectares…
Toujours plus audacieux dans sa défense de l’agroindustrie, cet ex élu EELV évoque 1 millions potentiels. Dans un autre article paru juste après la promulgation de la loi, où Dupraz est présenté comme « Fervent partisan [de la loi], Christian Dupraz, 64 ans, chercheur à Montpellier à l’Institut national de recherche pour l’agriculture et l’environnement (INRAE) et ex-élu régional EELV», il disait : « J’insiste : aujourd’hui, il y a un million d’hectares consacrés aux agrocarburants et qui sont en compétition avec la production alimentaire. Si on remplace ça par de l’électricité agrivoltaïque, on prendra moins de surface et ce sera plus efficace ».11
Faire le ménage dans les grandes surfaces artificialisées
Plus de 350 organisations nationales, régionales, départementales et locales, ont cosigné une tribune qui rappelle que tous ces hameçons de surfaces à couvrir, peuvent être accrochés sur les surfaces déjà artificialisées : « Nous appelons à la sobriété énergétique, et rappelons que les surfaces déjà artificialisées sont suffisantes 12. L‘Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie évalue ainsi les gisements à 123 GW sur grandes toitures, 49 GW sur les friches industrielles et 4 GW pour les parkings 13. Le gisement global sur toitures est de 364,3 GW (dont 241 GW de toitures résidentielles)14. Ajoutons que la France compte entre 24 000 et 32 000 zones d’activités, soit 450 000 hectares déjà artificialisés15, ainsi que 90 000 à 170 000 hectares de friches industrielles16. Si installer des panneaux solaires sur des toitures coûte plus cher que de les poser au sol, l’Agence explique que ce surcoût est faible : il avoisine les 550 millions d’euros, soit 2% du coût des énergies renouvelables17 . Et alors même que les projets peuvent atteindre 800 000 euros par hectare18, nous affirmons que ces investissements peuvent aller sur ces zones artificialisées ».
En ce sens selon FNE « La France compterait près de 100 000 hectares de sols pollués par des friches industrielles situées près des villes »19.
Si l’on prend un exemple de la région Grand-Est, le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel du Grand Est explique que : « L’artificialisation résulte de l’urbanisation et de l’expansion des infrastructures, sous l’influence de la dynamique démographique et du développement économique. Les surfaces artificialisées regroupent le bâti et les espaces verts associés, les zones industrielles et commerciales, les équipements sportifs ou de loisirs, les réseaux de transport, les parkings ou encore les mines, décharges et chantiers (source INSEE) ».
Et « Selon les méthodes employées, entre 5,7 et 8,8% du territoire du Grand Est sont considérés comme étant artificialisés. Au sein de cette catégorie, ce sont 3 % des surfaces qui sont imperméabilisées, ce qui correspond à une emprise d’un peu plus de 163 000 ha. De plus, il est constaté une progression importante de ces surfaces depuis les années 2000 (Source : DREAL, 2017. L’observation de l’occupation du sol en Grand Est. N°1, mai 2017) ».
Ce Conseil scientifique ajoute : « Considérant les surfaces en jeu, la principale recommandation du CSRPN est que l’ensemble du développement du solaire soit orienté vers les surfaces artificialisées et plus particulièrement vers les surfaces déjà imperméabilisées. Pour rappel, les besoins en termes d’emprise au sol pour les projets photovoltaïques sur les 10 prochaines années (objectif SRADDET) sont de 1 600 à 2 400 ha, ceci alors que les surfaces imperméabilisées recouvrent pas moins de 163 000 ha.
D’ailleurs, ces zones artificialisées correspondent en général aux territoires les plus urbanisés, là où la demande d’énergie est également la plus forte ».
Des raisons bassement comptables
Du temps où la rhétorique agrivoltée n’ était pas encore de mise, le rapport de février 2021, de France Territoire Solaire,20 le « think tank de l’énergie solaire photovoltaïque » est intitulé « Le parcours du combattant », ne contestait pas les chiffres de l’ADEME : « L’un des principaux atouts de l’énergie solaire est de pouvoir équiper les toitures et les parkings, c’est à dire de pouvoir valoriser des surfaces sans créer de conflit d’usage. L’usage de terrains déjà pollués ou artificialisés est privilégié à juste titre par le cadre réglementaire de l’énergie, via un système de bonification dans les appels d’offres de la Commission de Régulation de l’Energie. Dans une étude récente, l’ADEME évalue à 53 Gwc le gisement foncier constitué de terrains déjà artificialisés, réparti à 93% sur les zones délaissées (49GWc) et 7% sur les parkings (4GWc), soit 6 fois la puissance photovoltaïque installée à ce jour. »
Ce lobby continue avec une sincérité qui étonne depuis que Nogier et Dupraz sévissent dans les médias, y compris écolos, sans jamais être contredit : « Toutefois, les éventuels surcoûts liés à la réhabilitation des sites n’ont pas été pris en compte, 70% des sites présentent un potentiel faible (compris entre 0,5 et 2,5 Mwc) et 92% des sites sont en périphérie des grands centres urbains rendant la possibilité d’y exploiter des centrales au sol assez hypothétique en raison du coût du foncier ».
L’ADEME ne dit pas autre chose : « En France, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie fixe les objectifs suivants : 20,6 GW en 2023 et de 35,6 à 44,5 GW en 2028. Pour atteindre ces objectifs, le projet de PPE prévoit le lancement d’appel d’offre pour la période 2022-2024 pour le développement de 11,8 GW de centrales au sol et 5,4 GW d’installations sur grandes toitures. L’importance du développement des centrales au sol prévu dans le projet de PPE s’explique par la compétitivité de ce type d’installations comparée aux installations sur toitures.»21
Pourtant, en novembre 2018, dans un rapport nommé « La reconversion des friches au service du renouvellement urbain : enseignement technico-économique »22 l’ADEME expliquait que la question de la rentabilité ne doit pas être primordiale et doit être un critère parmi les autres dans la volonté de reconvertir les terrains artificialisés ou pollués (p.49) :
« Cette grille de lecture de l’économie du projet sous l’angle de sa rentabilité (…) doit toutefois être nuancée : Elle ne traduit que la dimension de la rentabilité du projet mais ne permet pas d’apprécier sa pertinence pour le territoire. Ce n’est pas parce qu’un projet est déficitaire qu’il doit être aidé : c’est d’abord parce que le projet est utile (et que la dépollution est exemplaire) qu’il peut bénéficier d’un soutien. L’objectif premier de l’ADEME étant de favoriser l’accélération de la reconversion de friches, l’analyse de la rentabilité des opérations est bien sûr considéré mais constitue un critère parmi les autres critères plus techniques. Au-delà de son incidence économique, l’appui de l’ADEME est intéressant sur d’autres registres tels que celui de l’exemplarité pour des sites qui pâtissent d’une image dégradée ».
Le gouvernement s’assoit sur cette recommandation.
Dans un autre rapport nommé « Un mix électrique 100% renouvelable ? Analyses et optimisations. Un travail d’exploration des limites du développement des énergies renouvelables dans le mix électrique métropolitain à un horizon 2050, octobre 2015 »23, l’ADEME explique que le surcoût du PV en toiture par rapport au PV au sol est résiduel et avoisine les 550 millions d’euros, soit 2% du coût des EnR (p.75) : « L’analyse qui suit démontre que si l’on déplace le curseur de répartition PV sol / PV toitures, les surcoûts pour le système sont faibles (…) L’analyse de sensibilité suivante consiste à conserver cette énergie produite mais à étudier l’impact économique d’une répartition capacitaire différente entre les filières PV au sol et sur toitures. On observe ainsi un surcoût capacitaire annuel allant jusqu’à 550 M€ (pour 100% de PV sur toitures), soit 2% du coût capacitaire total des EnR (32.3 Mds € annuel) et 10% du coût capacitaire du PV (5.6 Mds €) ».
Qu’est-ce que 550 millions d’euros dans le budget français…?
Il s’agit donc d’une volonté politique permettant à des multinationales de faire des profits, profitant des difficultés du monde agricole (endettement, marchés peu rémunérateurs…). Les arguments sur l’écologie et l’aide agronomique (la soi-disant aide pour s’adapter au changement climatique, l’ombre des panneaux, le bien être animal, etc… cf le communiqué n.1024) sont des faux arguments (alors même que l’agroforesterie remplie très bien ces fonctions) masquant les motifs financiers des multinationales et du gouvernement.
L’ADEME revoit à la baisse les sites artificialisés pouvant accueillir du PV.
En 2018, l’Ademe a estimé leur potentiel à 53 GW, dont 4 GW sur des parkings et 49 GW sur les autres « zones délaissées ». Soit la moitié des objectifs de photovoltaïque annoncés pour 2050. Ces surfaces sont constituées majoritairement « de dépôts de carburants des sites liés au commerce, à l’artisanat ou à l’industrie mécanique et des sites de stockage de déchets » et leur surface est comprise entre 0,5 et 2,5 hectares.25.
Ensuite, dans une nouvelle étude de mars 202226 l’ADEME explique désormais que seuls 843 sites (environ) sont directement mobilisables. Un des critère retenu est de dépasser 1,5 hectare d’emprise, et non plus 0,5 hectare, et de pouvoir y installer 1 mégawatt de puissance minimum. Critère qui avec d’autres (qui eux se justifient) feraient passer le nombre de sites de 18 000 à 843 ne représentant plus que 8 gigawatts de puissance, au lieu des 49 GW présenté dans son rapport de 2018 (+ 4 GW de parking).
Détaillons un peu ce rapport. Au départ plus de 190 000 sites ont été identifiés. Puis des critères environnementaux sont mis en avant pour éviter certaines friches.
(Notons que l’ADEME, dans son rapport sorti parallèlement sur l’agrivoltaïsme, ne s’embarrasse vraiment plus de ces critères dont celui de savoir si ces terrains ont une « valeur agronomique (ou sont en) AOC, cultivables, irriguées ou protégés » (p.6 du rapport sur les friches). Et sur les autres critères environnementaux et paysagers, elle parle juste de « vigilance » à avoir, cf notre communiqué n.10)
En ce rapport sur les friches de 2022, il ressort d’abord 29 131 sites au total, potentiellement des friches artificialisées favorables à l’installation d’une centrale photovoltaïques au sol. Puis ces sites sont passés au crible d’une notation à point dont l’aspect financier compte pour 1/3 de la note finale, afin de savoir si un terrain peut être retenu. L’on éloigne aussi les sites avec « les pollutions incompatibles ».
Note |
Critère |
points |
Observations |
Note technique = 35 pts |
Superficie |
20 |
Surf MAX = 20 pts puis dégressif |
topographie |
10 |
10 pts si pente < 15% orientation Sud, si pente < 5 % orientation Nord, si pente < 12% orientation Est / Ouest, sinon 0 pt. |
|
pollution |
5 |
5 pts / éviter les sites avec des pollutions incompatibles notamment celle des bâtiments sinon 0 |
|
Note environnementale = 35 pts |
Enjeux environnementaux |
15 |
classement par nb d’enjeux forts intersectés : 0 enjeu = 15 pts / 1 enjeu = 12 pts / 2 ou 3 enjeux = 8 pts / 4 ou 5 enjeux = 4 pts / 6 enjeux = 0 Si enjeu rédhibitoire –> exclusion |
500 m MH |
10 |
Si un site ajouté fait encore l’objet d’une Intersection avec buffer de 500m = 0 pts, sinon 10 pts |
|
paysage |
10 |
obligation : respect des schémas locaux d’aménagement |
|
Note financière = 30 pts |
propriétaire volontaire |
10 |
10 points par défaut / 0 si opposition connue |
prix foncier loc/AN |
10 |
Si connu : Prix de la location < 10 k€/ha Répartition des pts par classe de prix: Moins de 5k€ = 10 pts / entre 5 et 10k€ = 5 pts 0 pts > 10 k€/ha |
|
distance HTA |
10 |
Répartition des 10 pts selon la distance : distance min= 10 pts / max = 1 pt |
|
Classement global |
Note / 100 |
100 |
Et on en arrive à 843 sites au lieu des 18 000 sites de 2019, soit 13 081 ha avec un potentiel théorique de 8 633 Mwc.
Mais : « Il convient cependant d’être conscient des limites de cette étude :
– Le recensement des sites est non exhaustif, bien que certains services fournis des sites supplémentaires, puisque certains sites ne figurant pas sur les listes pourraient exister du fait de la base de recensement initiale (notamment certains terrains militaires, des carrières encore en exploitation mais très prochainement vouées à être réhabilitées et ne figurant pas dans la base de données BASIAS ou dans les listes de sites remontées par les services de l’Etat en début d’étude, les délaissés autoroutier, etc..).
– Un nombre significatif de sites n’a pas été pris en compte du fait du manque d’informations sur leur localisation dans la base de recensement initiale. Enfin un nombre important de sites potentiels n’a pu être confirmé comme « friche », soit par manque de temps des services déconcentrés au vu du nombre de sites très élevé de leur département, soit par manque de critère décisif au moment de la photo-interprétation.
– Une forte hétérogénéité des résultats selon les départements, malgré un premier cadrage théorique national proposé dans le cadre de l’étude, compte tenu du degré d’appropriation de la méthodologie proposée entre les différents services rencontrés, certains ayant déjà effectué un travail important de sélection et d’identification avant cette étude et d’autres découvrant le sujet et ayant pu plus ou moins s’investir dans le travail préparatoire demandé avant les entretiens en fonction de leurs disponibilités et priorités »
En effet cette étude semble trop délimitée par des critères financiers dont celui de la surface minimale de 1,5 hectare.
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Santiago, le 27 décembre 2023
1https://ccaves.org/blog/les-cultivateurs-de-kilowatts-font-main-basse-sur-les-pyrenees-orientales/
2 https://www.reussir.fr/lagrivoltaisme-nest-pas-un-mal-necessaire-cest-une-opportunite-pour-les-agriculteurs-selon-antoine
3 p.23 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/dans-lagadoue-agrivoltee-2.pdf
4 https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/economie-social/article/christiane-lambert-il-faut-identifier-des-terres-ou-produire-du-solaire-202-222384.html
5https://www.negawatt.org/IMG/pdf/scenario-negawatt-2022-rapport-complet-partie4.pdf
6 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/choix-politique-de-ne-pas-financer-le-pv-sur-toiture-1.pdf
7 p.27 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/dans-lagadoue-agrivoltee-2.pdf
8 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/france-nation-verte-12-juin-2023.pdf p.27
9https://www.pleinchamp.com/actualite/decret-agrivoltaisme-le-gouvernement-tranche-sur-un-taux-de-couverture-maximal-de-40
10 https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/14/developpons-un-agrivoltaisme-innovant-citoyen-et-respectueux-des-rendements-agricoles_6154313_3232.html
11 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/dupraz-connaissance-des-energie.pdf
12 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/choix-politique-de-ne-pas-financer-le-pv-sur-toiture-1.pdf
13 Trajectoire du mix électrique 2020-2060,2018, https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2018/12/ADEME_%C3%A9tude_mix-electrique.pdf, et Évaluation du gisement relatif aux zones délaissées et artificialisées propices à l’implantation de centrales photovoltaïques – Ademe Transénergie, avril 2019, rapport et synthèse, disponibles sur : https://www.ademe.fr/evaluation-gisement-relatif-zones-delaissees-artificialisees-propices-a-limplantation-centrales-photovoltaiques
14 Selon le rapport de l’ADEME « Coûts énergies renouvelables et de récupération des données 2019 » https://librairie.ademe.fr/cadic/767/couts-energies-renouvelables-et-recuperation-donnees-2019-010895.pdf
15 CEREMA, https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/zones-activite-economique-peripherie-leviers-requalification
16 Selon Rollon Mouchel-Blaisot, préfet chargé depuis février dernier d’une mission interministérielle de mobilisation pour le foncier industriel. https://www.lesechos.fr/pme-regions/pays-de-la-loire/les-friches-industrielles-eldorado-foncier-des-collectivites-1947507
17 « L’analyse qui suit démontre que si l’on déplace le curseur de répartition PV sol / PV toitures, les surcoûts pour le système sont faibles (…) On observe ainsi un surcoût capacitaire annuel allant jusqu’à 550 M€ (pour 100% de PV sur toitures), soit 2% du coût capacitaire total des EnR (32.3 Mds € annuel) et 10% du coût capacitaire du PV (5.6 Mds €) ». https://librairie.ademe.fr/cadic/2889/mix-electrique-rapport-2015.pdf
18 « Tout le monde déteste sun’agri » L’Empaillé hiver 2022-2023 https://lempaille.fr/tout-le-monde-deteste-sun-agri
19 https://fne.asso.fr/dossiers/sols-pourquoi-proteger-ce-bien-commun
20 https://franceterritoiresolaire.fr/wp-content/uploads/2021/05/France-Territoire-Solaire-Rapport-sur-le-developpement-de-projets-solaires-en- France.pdf
21 https://librairie.ademe.fr/cadic/767/couts-energies-renouvelables-et-recuperation-donnees-2019-010895.pdf
22 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/etude-bilan-travaux-reconversion-friches-polluees-modaal-tesora-2018.pdf
23 https://librairie.ademe.fr/cadic/2889/mix-electrique-rapport-2015.pdf
24https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/communique-n.10-def-ademe-agrivoltaisme.pdf
25 https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/larmee-donne-un-gros-coup-de-pouce-au-solaire-1123101
26https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/DGEC_Rapport_public_friches_Ademe.pdf