Photovoltaïque : entre cynisme et lâcheté, le gouvernement arrache des forêts, détruit des terres agricoles, et sauvegarde… des parkings.

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Le 5 juin 2025, par la coordination nationale photorévoltée.

Quelle créativité !

A travers le projet de loi de simplification du droit de l’urbanisme adopté par l’assemblée ce 15 mai, et qui devrait être examiné par le Sénat en juin, on mesure toute l’imagination du gouvernement, qui par la voie de son groupe Ensemble pour la République, a réussi le tour de force d’exempter les propriétaires de parkings de plus de 1 500 m2 de les couvrir de moitié par du photovoltaïque.

Pourtant peu contraignante, cette obligation n’existait que depuis deux années, et n’avait pas encore commencé à être réellement appliquée. Dorénavant, ces parkings pourront être uniquement couvert de moitié… par des arbres, ou via une savoureuse recette industrielle mélangeant une pincée d’arbres à hauteur de 15 %, une louche de photovoltaïque à 35 %, et puis du bitume pour 50 %. Un plat sans saveurs qu’apprécient déjà les spéculateurs fonciers ! Et c’est plutôt bien joué : car de prime abord, qui oserait s’opposer à la plantation d’arbres ?

La mode générale étant à raser des arbres, il s’agit d’ un paravent éludant le fait que ce sont autant de panneaux non installés sur ces zones anthropisées, qui seront mis sur des zones agricoles, naturelles ou forestières, en détruisant des arbres adultes 1!

Où est donc l’intérêt défendu par le gouvernement ? Tout simplement dans le fait que les parkings de centres commerciaux et de zones d’activités diverses, se revendront bien plus simplement et bien plus cher auprès de promoteurs immobiliers, s’il n’y a que quelques arbres à couper… Tandis qu’avec 50 % de panneaux, c’est plus compliqué, et il leur faudrait patienter quelques décennies avant de pouvoir y construire supermarchés et autres joyeusetés urbaines.

Mais ce marivaudage entre les spéculateurs fonciers et le groupe macroniste, tourne au burlesque lorsque les lobbys des énergies renouvelables entrent en scène. Dénonçant cette trop galante manœuvre, les voilà en train de se plaindre qu’on leur enlèverait des surfaces anthropisées à couvrir de panneaux, à eux ! Eux qui souhaiteraient tellement en mettre à ces endroits ! Cette réaction, n’a t-elle pour seul but que de permettre aux lobbyistes d’ Enerplan et du Syndicat des Énergies Renouvelables, de tenter de se racheter une vertu à petit prix, que leur saccage des campagnes avait tendance à quelque peu entacher ? Nous n’osons l’affirmer, et espérons pouvoir nous réjouir que leur réaction soit signe d’une prise de conscience quant à l’impact désastreux du photovoltaïque sur sols vivants .

Car telle est la réalité : depuis des années, plus de 400 organisations2 luttent sans relâche contre l’accaparement, par ces mêmes multinationales, de milliers d’hectares de terres agricoles, naturelles et forestières.

Des habitants et habitantes qui n’ont de cesse de rappeler que localement et nationalement, avec des chiffrages précis à l’appui, existent suffisamment de surfaces anthropisées pour amorcer une sortie des fossiles et du nucléaire. Des surfaces déjà artificialisées, que refusent de couvrir ces industriels, pour des raisons de rentabilité dans un modèle néolibéral. C’est ainsi que dès 2021, le principal lobby d’alors, France territoire solaire, regroupant entre autres Photosol, Sun’R, le Syndicat des Énergies Renouvelables et Enerplan, affirment qu’il y a suffisamment de friches industrielles pour multiplier par six la production photovoltaïque, mais que le principal frein est que « 92% des sites sont en périphérie des grands centres urbains rendant la possibilité d’y exploiter des centrales au sol assez hypothétique en raison du coût du foncier »3.

C’est pourquoi, nous dénonçons la volonté du gouvernement de ne pas réguler ce coût du foncier proche des métropoles -des villes qui sont les principales responsables de la gabegie énergétique actuelle. Coupable, le gouvernement l’est également, en ayant divisé par trois le prix de rachat de l’électricité produite par les petites installations privées en toitures4. Pire, par cette loi, le gouvernement favorise directement des centrales photovoltaïques détruisant forêts, biodiversité, et agriculture paysanne.

 

Cependant nous rappelons, à l’instar du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN)5, qu’en couvrant de moitié les parkings de plus de 1 500 m2, c’est 50 GW qui pourraient être produits ! La plus haute instance compétente en biodiversité explique qu’en faisant cela, c’est au « moins 20% des besoins en matière d’énergie photovoltaïque [qui] devraient ainsi être trouvés (…) et l’on peut imaginer que dans une part importante des cas la surface dépasse 50% ». Et imaginons si ces mêmes parkings étaient couverts à 100 % ! Tatillon, le CNPN appelle à « favoriser également les installations sur les parkings de plus petite taille, y compris en copropriétés » : des surfaces totalement oubliées qui augmenteraient encore les gisements disponibles. Et de préciser que « plusieurs études suggèrent que l’objectif de 100 GW peut être atteint en mobilisant uniquement des espaces artificiels (toitures, hangars agricoles existants, parkings, routes, etc.) ». En conséquence, il  recommande « de cesser le déploiement de centrales photovoltaïques sur les espaces semi-naturels, naturels et forestiers (incluant toutes les zones humides), protégés et non protégés, en raison de leur incidence importante sur la biodiversité, de leur incohérence avec les objectifs d’adaptation et d’atténuation du changement climatique et du risque accru d’incendies »

A ce jour, le gouvernement fait fi de tout cela et encourage l’inverse. Car en plus de cette loi concernant les parkings, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie et la loi Grémillet sur l’énergie sont en discussion, et visent toutes deux -tout enlevant des objectifs chiffrés, à démultiplier au final les projets photovoltaïques sur les sols vivants. Ce cynisme se mesure aussi à l’aune du fossé entre la connaissance qu’a le gouvernement des immenses surfaces anthropisées, et le coût abordable afin d’y mettre du photovoltaïque6, et sa velléité de destruction des terres agricoles naturelles et forestières. En effet, dès 2022 , le ministère de l’écologie explique que « 8 % des terres sont artificialisées avec des sols imperméabilisés (infrastructures, parking, constructions) ou fortement anthropisés (extraction de matériaux, décharges, espaces verts artificialisés, équipements sportifs) »7 ; soit 4 millions 400 mille hectares…

Et l’Ademe de préciser, en estimant « que le gisement constitué par les friches industrielles ou de services potentiellement polluées, hors industries extractives, en aire urbaine et sur des sols déjà artificialisés représente environ 100 000 ha en France »8. Proche des villes ? N’est-ce point parfait pour éviter les pertes sur le réseau et alimenter les principaux consommateurs ?

Mieux encore, le ministère de la transition énergétique expliquait que « dans un contexte marqué par la rareté du foncier disponible tout aussi bien que par la lutte contre l’artificialisation des sols, la rénovation des friches urbaines présente un intérêt économique, mais aussi social et environnemental, important pour les territoires. On estime en effet entre 90 000 et 150 000 hectares la superficie occupée par les friches industrielles en France en 2020, ce qui constitue un vivier de foncier considérable qui peut être utilisé pour la construction d’équipements ou de logements sans empiéter sur les espaces naturels et agricoles »9. Un très bon conseil, aujourd’hui balayé.

C’est pourquoi nous affirmons que l’unique raison de la pression industrielle actuelle sur nos territoires est bassement financière. Lorsque les paysans et paysannes vivront dignement de leur métier, qui est de produire une alimentation saine et de qualité, plus aucun n’acceptera que des tonnes de métal connecté à l’hectare, des kilomètres de grillages et de câbles enterrés, de pistes, de postes de transformation et des dizaines de caméras, viennent détruire leurs terres. Ces projets, prospèrent uniquement sur leur misère.

Contre cette vitrification des campagnes, nous appelons à une opposition massive.

La coordination nationale photorévoltée

coordo-luttes-pv@protonmail.com

 

1Le Décret d’application de la loi Aer permet que des arbres soient coupés pour de « l’agrivoltaïsme » – terme que nous récusons, puisque toutes les terres agricoles, naturelles et forestières -qui peuvent avoir des arbres, pourront en accueillir. Quant à la « seconde catégorie » qui doit aller sur des terres référencées dans un document-cadre, ces derniers permettent que les terres classées Apv ou Npv dans des PLUI, puissent accueillir du PV. Or ces terres peuvent être emplies d’arbres. Et pour les deux catégories mentionnées, il fuat prendre en compte les Obligations Légales de Débroussaillement, soit des coupes rases, autour des centrales qui peuvent être de 100 mètres tout autour…

6 Le CNPN ajoute que le PV sur toiture est attractif financièrement « Parmi ces 125 TWh, 90 pourraient être produits à un coût inférieur à 0,12 €/kwh et les 35 TWh restant à 0,15 €/kwh. L’étude de Bódis et al. relève que « la France et l’Allemagne offrent des opportunités significatives et à coût relativement faible. Leur grande quantité d’habitations et la surface de toitures associées constitue un potentiel technique élevé (>100 TWh/an pour chaque pays). Un tel potentiel, couplé au faible coût d’investissement, permet le développement du photovoltaïque sur toitures dans des conditions avantageuses ».

En 2023 les chercheurs et chercheuses du CNRS expliquent que « la France a un potentiel de production PV en toiture de 125 Twh/an à un coût inférieur à 0,15€/kWh ((coûts2019), c’est le plus fort potentiel en Europe ».

Et que ce coût est « mesuré » sur les espaces déjà artificialisés : « Les objectifs des scénarios les plus ambitieux pour le développement du solaire PV peuvent être atteints avec les technologies actuelles, à un coût mesuré, en utilisant les surfaces déjà disponibles (toitures, parkings, friches,…) et sans artificialisation supplémentaire ». https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/SolairePVEnFranceV2.0.pdf