En Ardèche, les industriels du photovoltaïque sont dans la dèche.

Au milieu de cette déferlante photovoltée, une douce saveur musquée de fromage de chèvre, met un peu de baume au cœur. Dans ce département, la Conf’ Paysanne vient de gagner la Chambre. La Fnsea a fait un recours, l’a perdu, et mauvais bougres, refusent de siéger au bureau. C’est d’ailleurs l’une des quatre chambre détenues par La Conf’, avec la Corse, la Guyane, et Mayotte. Et ce qui est sympathique du côté des monts ardéchois, c’est qu’ils ont essayé de transformer l’austère Document-cadre concernant le photovoltaïque, en un pied de nez aux promoteurs du solaire sur sols vivants. Mais un Document-cadre, qu’est-ce ?

Et bien c’est le document qui vise à recenser toutes les surfaces d’un département pouvant accueillir la « seconde catégorie » de photovoltaïque, dit « sur terres incultes ou inexploitées », ou parfois aussi nommée « agricompatible ». Oui… car c’est très absurdement sur demande du lobby France Agrivoltaïsme1, que les parlementaires ont créé deux catégories de photovoltaïque, dont la première, « l’agrivoltaïsme » permettrait une synergie entre l’électricité et l’agriculture2. En fait, ce sont les mêmes projets ; et c’est main sur le cœur que le communicants s’avancent aujourd’hui vers les élu.es, vers les Chambre et CDEPENAF, en se réclamant de l’une ou de l’autre, selon leur fantaisie et hubris commerciale. Bref, cette distinction, c’est pour faire diversion, dénigrer l’un, afin de mieux mettre en valeur l’autre, et lorsque l’agrivoltaïsme ne passe pas, on se rabat sur l’autre catégorie, avec les mêmes projets.

Entrons dans les détails. Le Décret qui borde ces documents-cadre, explique que des terres dites « incultes »3 peuvent accueillir la seconde catégorie de PV. On doit la promotion de cette trouvaille absurde, à l’inculture agronomique du député socialiste Dominique Potier4. Par ailleurs, dans ce document-cadre, peuvent aussi y être mises les terres inexploitées depuis plus de dix années. « Peuvent »5, c’est à dire que toutes ces terres, qu’elles soient « incultes » ou « inexploitées », n’ont pas l’obligation d’y être. Car en fait, la seule exigence de la loi, c’est d’ ajouter les terres correspondant à quatorze autres critères, nommés « Items », du Décret6. Et c’est là un des problèmes. Car ces quatorze Items sont en majorité incohérents… avec la loi dont le décret est issu.

Par exemple, un des Item fait en sorte que les surfaces classées en Npv, Apv dans les PLU et PLUI, soient d’office mises dans le document-cadre. Mais, rien ne dit que ces surfaces ainsi classées par nos chers élu.es, soient « incultes ou inexploitées »… Bref, le législateur a créé un paravent complexe, visant à masquer sa volonté de déployer cette seconde catégorie de projet photovoltaïque, bien plus rentable – car potentiellement plus dense en panneaux, mais qui ressemble à la première7.

La montagne est encore belle

Au pays de Jean Ferrat, la Chambre détenue par la Conf ainsi que leurs prédécesseurs, ont eu une idée, que voici8. Tout d’abord, les nouveaux élu.es ont, en partie, bien relevé l’absurdité des quatorze item, et dans une motion9, tentent d’en réduire la portée.

Pour cela, ils et elles appellent « à ce que la plus grande vigilance soit apportée sur la possibilité donnée par le décret [quant] à l’installation du photovoltaïque au sol lorsque les surfaces sont situées en zone agricole, non exploitées et situées à moins de cent mètres d’un bâtiment d’une exploitation agricole ». En effet : des terres situées à moins de 100 mètres de bâtiments, ne sont pas nécessairement « incultes ou inexploitées », mais servent aux passages des animaux et des engins… Alors pourquoi le décret permet d’y installer du PV et les inclure d’office dans le Document cadre ? La réponse est facile à deviner. La Chambre, en toute logique, tente de désamorcer ce critère et demande « que pour les projets relevant de cette catégorie, le critère inculte des surfaces entourant les bâtiments soit également appliqué en priorité ». Elle exige aussi « que la préservation des fonctionnalités de l’exploitation et ses possibilités d’évolution soient une condition prioritaire à satisfaire, au regard des enjeux de transmissibilité des exploitations ».

De plus, et toujours quant à ces 14 Items obligatoires à intégrer dans le document-cadre, la Chambre a décidé de ne pas les cartographier. En Ardèche, il reviendra donc au pétitionnaire, souhaitant implanter du PV sur ces surfaces, de prouver que ces terres relèvent d’une des quatorze catégories.

Inculture

Une autre idée qu’a eu La Chambre, est de s’en tenir en plus de ces 14 Items, uniquement à des terres dîtes « incultes ». En ce sens, dans une motion du 25 mars, ils et elles récusent l’idée de « terres inexploitées depuis plus de dix années », qui selon le décret pourraient accueillir du PV. Il est donc demandé à ce que « la durée de non-exploitation figurant dans le décret (…) soit supprimée des critères relatifs à l’élaboration du Document Cadre, dans la mesure où c’est le caractère inculte des surfaces qui définit en priorité leur possible compatibilité avec des centrales photovoltaïques ».

Autre idée plaisante, l’implantation de PV sur terres « incultes » ne doit pas amener de délocalisation de l’ancien usage qui était là avant la centrale. Par exemple lorsque qu’elle s’implante dans une carrière, cette dernière ne peut aller se reconstruire ailleurs sur des terres agricoles. La Chambre précisant même que « l’extension de zones artisanales ou autres, en substitution directe de la zone dédiée à une centrale photovoltaïque ne sera pas acceptable ».

Mais les Confédérés ardéchois vont plus loin. Dans la même motion, ils prennent au mot l’État, et tentent de clarifier ce que certains parlementaires n’ont pas souhaité faire, volontairement, quant à la notion « d’inculture ». Dorénavant, cette absurde expression devra rimer avec « sols artificialisés et non agricoles ». Ils et elles demandent même à ce qu’un nouveau type document cadre soit créé par l’État, « ciblant les espaces artificialisés [et] correspondant aux 13 types de sols non agricoles identifiés [par le Décret] comme compatibles d’office [avec le photovoltaïque] : site pollué, friche industrielle, ancienne carrière, ancienne mine, plan d’eau, etc.) » On peut tout de même faire remarquer à la Chambre, que malgré ce qu’écrit le Décret, les plan d’eaux, ne sont pas des « sols artificialisés ».. c’est de l’eau… et qu’à l’instar du CNPN critiquant vertement les destruction de biodiversité effectué par les centrales photovoltaïque d’Enercoop10, il est bon de rappeler que des carrières et anciennes mines ont pu se renaturaliser.

Continuant dans sa lancée, la Chambre durcit encore la définition de la loi, sortie du chapeau, « d’inculture ». Ainsi, une surface ne peut être considérée comme inculte si « elle a déjà été exploitée, quelles que soient la période et sa durée (…) sauf modification majeure de sa vocation et de son occupation (urbanisation, …) ». Et de préciser que « le caractère inculte a été apprécié dans la capacité qu’a eu, qu’a, et donc qu’aurait l’agriculture ardéchoise à utiliser une terre par ses différents modes d’exploitation, y compris par l’activité pastorale, permettant ainsi de valoriser les ressources naturelles dans des conditions parfois difficiles ». Ils ont donc tenté d’éliminé toutes les surfaces exploitées au moins une fois, et celles exploitables…

Toutes les surfaces ? en fait pas vraiment. Car comment comprendre la notion de « surface qui a déjà été exploitée, quelle que soit la période et la durée » ? Jusqu’à où remontent les recherches historiques de la Chambre ? Si on les prend au mot, on pourrait parier que toutes les surfaces du département on un jour été exploitée au fil des siècles… Idem, quant à la notion de terres « exploitables ». Bien des types d’agricultures s’accommodent de tous les types de terres….Quant à l’expression « sauf modification majeure de [la] vocation » de la terre, peut être que la notion de « vocation » est-elle quelque peu vague, et laisse des marges de manœuvres importantes ?

Par monts et vaux

Quoiqu’il en soit, voilà donc nos nouveaux élu.es parcourant le département pour refiler les plus mauvaises terres au développeurs. Celles qui sont en dénivelées, et au milieu de nul part, en somme pas raccordables. Et comme la définition de « terres incultes » explique que l’exploitation pastorale doit y être impossible ; et que les chèvres, c’est plutôt coriaces et cela gambade quasi partout, la Chambre, a lâché -tout de même, 200 hectares aux industriels. Si on ressent la volonté de la Chambre de couper l’herbe sous le pied des panneaux des industriels, on peut regretter que le résultats de ce document-cadre soit l’identification de ces centaines d’hectares de terres dîtes « incultes », avec il semble quelques contradictions dans la démarche. Certes, il peu certain que ces surfaces intéressent les promoteurs, et puis il y aura toujours les études d’impact et le code de l’environnement, la loi Montagne, etc… Telle est leur l’idée.

Relevons tout de même une autre contradiction. Comment la Chambre peut elle faire appliquer sa volonté, louable, de préconiser que les « centrales photovoltaïque [ne génèrent pas] de consommation indirecte de foncier agricole, naturel et forestier [et que] les conséquences indirectes de leur création [n’impactent pas] les surfaces agricoles, naturelles ou forestières (zones de déboisement obligatoire en périphérie du site, création des voies d’accès ou des réseaux de raccordement, etc) » ; alors que dans la phrase qui suit, la Chambre explique que « tout impact négatif d’un projet sur l’agriculture devra faire l’objet de la procédure de compensation agricole collective »…

Et pour clôturer ce tableau, ajoutons encore qu’il reste la première catégorie, dîte « agrivoltaïque », qui pourra aller sur toutes les terres agricoles et naturelles. Les commerciaux bonimentant à souhait le respect de critères qualitatifs si vagues que tous les projets peuvent y correspondre. Certes pour contrer cela, la Chambre vient de décider de plus répondre aux sollicitations des développeurs.

Gageons, que moyennant quelques ajustements, ces nouveaux élu.es plein de ressources, donneront vaille que vaille, quelques autres fils à retordre à ces agri-financiers, bien trop en goguette.

L Santiago, le 11 mai 2025.

Annexe.

Méthodologie du document-cadre ardéchois

3 Le décret définit :

– La notion de sol réputé inculte : il doit satisfaire l’une des conditions suivantes :
1° L’exploitation agricole ou pastorale y est impossible au regard du territoire environnant en raison de ses caractéristiques topographiques, pédologiques et climatiques ou à la suite d’une décision administrative. Cette appréciation peut notamment se fonder sur un indice pédologique départemental ;
2° Il n’entre dans aucune des catégories de forêts définies par arrêté des ministres chargés des forêts, de l’environnement et de l’énergie, comme présentant de forts enjeux de stock de carbone, de production sylvicole ou d’enjeux patrimoniaux sur le plan de la biodiversité et des paysages.

– La notion de sol non exploité depuis une durée minimale : ça doit être pour une durée d’au moins 10 ans.

5 Seuls peuvent être identifiés [dans le document-cadre] des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale, antérieure à la publication de la loi [APER], définie par le décret ».

7Dans son rapport de 2022, la LPO explique que des centrales conventionnelles -soit ce qui devrait correspondre à cette seconde catégorie de PV du Décret- ont un taux de couverture de 25 à 40 % : soit le même taux qu’aujourd’hui les centrales dîtes « agrivoltaïques »….